Alors voilà, il entre, il regarde à droite, à gauche, semble écouter. Je dis “Bonjour”, il sursaute, tend une main timide, attrape finalement la mienne et la serre très fort.
– Je m’appelle Hugo.
– Qu’est-ce qui vous amène ?
– Voilà, je suis pas ce que vous pensez hein, j’ai pas l’habitude c’était la première fois et je…
Il s’interrompt, penche sa tête sur le côté, la secoue, se redresse, se tait et mordille ses lèvres. Il est à l’affût de quelque chose.
On a un terme, nous les médecins, pour ce genre de patient : “Contact étrange”. Jargon croisé entre “Rencontre du troisième type” et “Ma bonne Germaine, j’ai comme dans l’idée que cette affaire-là va finir à l’hôpital psychiatrique le plus proche”.
– Je vous écoute, dis-je. Je suis là, vous êtes là, on peut discuter…
– J’ai fumé un joint il y a deux semaines. J’ai 17 ans, c’était le premier. Depuis, j’entends des voix et… je vois des choses… qui ne sont pas là.
[…]
Beaucoup de gens l’ignorent, mais le cannabis est connu pour déclencher des bouffées délirantes aiguës. Elles sont parfois annonciatrices de psychoses bien plus graves. La personne ne devient pas schizophrène à cause de ça, mais le pétard donne la petite pichenette de trop, celle qui fait s’écrouler tout le château de cartes d’une psyché fragile.
Hugo entrelace ses doigts et les tord dans tous les sens.
Il a peur.
Moi je suis un peu paumé. Si je n’ai pas d’avis définitif sur le cannabis (je tiens VRAIMENT à souligner ce point), je connais un jeune homme -il s’appelle Hugo- qui a changé le sien sur la question.
Un problème fumeux.
