Alors voilà j’aime bien les personnes âgées, mais pas quand elles pètent dans mon bureau.
(quelle entrée en matière !… courte, efficace, un brin trop naturaliste, j’en conviens, mais nous sommes des machines à vapeurs et quiconque a une formation scientifique et connait son “cycle de krebs” sait à quel point la vie toute entière est littéralement une usine à gaz…)
Non, vraiment, je n’aime pas quand madame Cassoul, 86 ans, ce vendredi soir à 19 heures 30, vient s’installer toute guillerette dans mon bureau pour partager ses douleurs rhumatismales et ses flatulences. Moi, d’une élégance so british que je tiens de ma mère, je fais mine de n’avoir rien entendu, même si, très vite je me demande comment un si petit corps peut produire autant de gaz… miracle de la nature… Madame Cassoul est vieille et très sourde, ce qui présente peu d’avantages si ce n’est celui de ne pas s’entendre “chanter”. Je ne dis rien, je serre les dents, pince le nez, examine, prescris, souris, pense au patient d’après et là me vient un doute affreux : “et si le patient d’après croit que c’est moi ?”.
Vous vous direz sûrement que c’est idiot, que j’ai vu la mort, la sale, la vraie, celle qui déchire les familles, que j’ai même fait des stages en hématologie-pédiatrique (croyez-moi rien n’est plus dur au monde que l’hématologie pédiatrique, chapeau les équipes, chapeau bas…) et pourtant, à ce moment précis, celui où madame chante avec son colon sigmoïde, je ne pense qu’à une chose : “qu’est-ce que le prochain patient va penser de moi ?”
Madame Cassoul se lève, moi aussi, Madame Cassoul chante un dernier air en Do majeur (très réussi ce dernier chant… Trop ? Je me rassois, terrassé).
– Adieu, Madame Cassoul…
– Au revoir Docteur, je ne vous dis pas “à bientôt !”
(la blague préférée des patients… se lever et dire “je ne vous dis pas au plaisir de se revoir…)
J’ouvre une fenêtre, minuscule, la prochaine patiente arrive. Jeune et, en plus, “physiquement très intelligente”. Je me décompose… “Elle va croire que c’est moi, elle va croire que c’est moi, elle va croire que c’est moi…”
– Bonjour Docteur, je viens parce que j’ai une rhino-pharyngite, je n’arrive plus à respirer par le nez et j’ai les narines bouchées.
YEEEEEEEEAH !
God bless la rhino, je veux dire : que Dieu bénisse la rhino-pharyngite !
Amen !
Dieu a le sens de l’humour ! Regardez l’ornithorynque !
Dogma
Le haricot, c’est le piano du pauvre.
Le grand-père de Cicero, un lecteur !