Alors voilà, elle est entrée dans le cabinet comme une tornade :
– Vous avez vu ? c’est pas beau ça ? La trentaine, un corps de fashion victime, une liberté toute neuve et deux filles aussi belles que Kim Kardashian. Mon mari ? Fini ! Il est rentré au bled, je veux plus en entendre parler. Je veux vivre. M’a assez pourri la vie. Je mange de la salade le soir, je veux être belle cet été sur la plage. Et ma fille ? elle est pas belle, ma fille ? Franchement ? Regardez-la ! Le bas du visage, c’est son père. Le haut, c’est moi. Regardez-la. Elle est belle hein ? C’est pas vrai qu’elle est belle et douce ? Kim Kardashian, je vous dis !… Elle fait preuve d’initiative. Toujours à aider, à entreprendre. Elle ira loin, je vous dis. Comme sa mère. Wesh, wesh la famille !… Je parle beaucoup, mais je suis excitée. Je l’ai enfin foutu dehors et ça me fait un bien fou. Dieu soit loué. La liberté, docteur ! La liberté ! J’ai un nouveau copain. Je me sens femme. Et faut pas croire, je prie beaucoup. Pour mes filles, pour l’autre con et pour moi. Je prie, je prie, je prie… Je suis une sainte dans un corps de top-model. Un top, je vous dis ! Regardez ce profil ! C’est pas beau ça ?
– Vous venez pour quoi ?
– Je pense que je fais de la tension.
Vérification : elle fait de la tension.
– C’est le bonheur, docteur, ça fouette le sang !
(Véridique cette phrase.)
[bla-bla-bla]
Beaucoup de bla-bla-bla. Je vous les épargne parce que je suis cool.
Et quand elle part, elle dit :
– Vous êtes génial. Si vous allez au Maroc un jour, je vous donne une adresse. Vous serez blanchi nourri logé choyé. Comme mon fils. Allez, yala.
Elle m’embrasse sur la joue et file.
Je m’écroule sur mon siège, épuisé. Puis j’attrape un post-it : “Ceci est un message du Baptiste du mois de mai 2014 au Baptiste du futur, vieux et blasé et aigri et gras (1). Quoi qu’il arrive dans ta vie, quelle que soit la personne avec laquelle tu décideras de faire ta vie, n’oublie jamais qu’un bon divorce peut rendre heureux, je veux dire VRAIMENT heureux !”
(1) : régulièrement j’écris des petites messages, des notes du “moi présent” au “moi futur”, histoire de me démentir en cas de crise existentielle et de me remettre droit dans mes bottes. J’ai piqué l’idée à François Hollande ! (Non, je déconne ! Il fait pas ça, le président, la crise que ce serait !).