Alors voilà, je marche dans le couloir de l’hosto quand j’aperçois un vieil homme sur un brancard, le teint livide. Il est tellement pâle qu’en le voyant, plusieurs idées me traversent la tête :
1/ lui cuisiner un steak tartare;
2/ lui faire une intraveineuse de boudin noir,;
3/ lui faire boire un bol de O négatif cul-sec,;
4/ je ne sais pas, mais fais quelque chose, putain de bordel de merde !
Je dis à l’infirmière :
– Qu’est-ce qu’il a le monsieur de la 3 ? Il est plus blanc qu’un patient sous dialyse. On dirait un vendeur dans une épicerie bio !
(C’est vous dire combien il a l’air malade…)
– T’inquiète ! répond-elle, on s’en occupe. Si tu veux te rendre utile, fais-lui un sondage urinaire !
–D’acc o d’acc !
J’entre donc box 3, je me présente, je mets des gants, je soulève le drap, et là… Rien. Pas de pénis. Merde alors !… Pourtant mes cours d’anatomie sont formels : l’appareil reproducteur mâle ( ou pénis ) se situe au milieu et en bas du pubis, juste à côté des testicules que l’on appelle aussi “cerveau” chez l’homme du commun et “Diagonale du vide” chez l’homme politique…
J’appelle l’infirmière :
– Migraine !
[ en réalité, elle s’appelle Irène. Mais on lui a trouvé ce petit surnom charmant parce qu’elle parle très, très, très FORT !… Vous le voyez, aux urgences comme en Corée du Nord, on ne peut rien contre l’humour !]
– Oui, Bibi ?
Moi, chuchotant : ” Le monsieur a pas de kiki.”
– Quoi ? Qu’est-ce que tu dis ?!?
Moi, parlant sur la pointe des pieds (je sais ça n’existe pas cette expression, mais j’ai décidé de l’inventer : ” Parler sur la pointe des pieds “. À croire que j’ai envie de me faire de nouveaux amis, Bernard Pivot et les vendeurs des épiceries bio…). Donc, moi, parlant sur la pointe des pieds : ” Je dis que le Monsieur a pas de kiki…”.
– Mais qu’est-ce que tu racontes ?
– Je raconte que le Monsieur a…
– Oui, oui, j’ai compris. Allons voir ça de plus près !
Elle entre box trois, se présente, met des gants, soulève le drap, fronce les sourcils, se recule, se retrousse les manches, revient sur le patient, relève le drap et fouille dans les poils (désolé pour la précision, mais c’est aussi un peu ça notre métier.)
– Regarde, Bibi, c’est là.
– Ah…
Le vieux monsieur explose de rire :
– Ma femme a eu le même problème pendant 40 ans ! Ça m’a pas empêché de lui faire 4 enfants !
[…]
À la pause, je me souviens, j’ai appelé ma mère.
– Maman ?
– Oui ?
– Tu savais que la taille du pénis serait peut-être liée à l’imprégnation en testostérone de la mère durant la grossesse ? Je viens de me renseigner sur Google.
Silence.
– Heu… non. Pourquoi me dis-tu ça, Baptiste ?
– Pour rien, pour rien.
– Ah bon.
Silence gêné. J’ai pensé au monsieur de la 3.
– Maman ?
– Oui.
– Merci.
– Hein ?
Mais j’avais déjà raccroché, parce qu’aux urgences, on a le temps de rien. Vraiment.
PS 1 : je n’ai rien contre les vendeurs d’épicerie bio. C’est simplement que je tuerais mon chat pour faire un bon mot (même si, nous sommes d’accord, ça ne ferait rire personne. Je le sais, j’ai essayé…).
PS 2 : le PS 1 est une blague, je n’ai pas de chat… J’ai un chien !
PS 3 : sans transition, parce que je ne suis pas un garçon qui tourne autour du pot : si vous aimez cet article ou plus globalement le site en général, partagez sur vos réseaux sociaux et par pigeons voyageurs !