Article à partager en masse s’il vous plait. J’hesitais à le mettre sur le blog, puis je me suis dis “C’est ton blog, tu fais ce que tu veux”. Pour ceux que cela heurte, je m’excuse d’avance.
Alors voilà, une ville, c’est d’abord des rues. Dans ces rues, des gens marchent. Parfois, ils manifestent. Ils ont des banderoles avec ces slogans:
– “un papa, des roustons, une maman, des nichons” (quelle belle vision naturaliste et zoologique du genre humain!)
Ou, nettement moins poétique:
– “la france a besoin d’enfants, pas d’homosexuels”. Slogan qui, nous sommes d’accord, n’est pas de nature homophobe. D’ailleurs, si vous remplacez le mot “homosexuels” par les mots “juifs” ou “noirs” vous obtiendrez un slogan qui n’est absolument pas antisémite ou raciste…
Il y a donc:
1-nos rues,
2- les adultes qui manifestent,
3- des banderoles avec le mot “enfants” dessus.
Les enfants…Dans nos villes, les rues sont bordées d’immeubles. Avec des façades. Sur les façades, des fenêtres. Derrière ces vitres, il y a parfois des adolescentes et des adolescents. L’estime de soi, la confiance en soi sont des processus psychologiques qui se construisent pas à pas. C’est compliqué un adolescent. Tout en creux, en plaies et en bosses. Souvent mal dans sa peau et fragile. Une vraie éponge. Très influençable.
Avec des désirs compliqués, parfois jugés honteux. Et des pulsions, aussi, très souvent morbides (si, si je vous assure on en reçoit plein aux Urgences. L’autre nuit, j’ai consolé un gamin qui voulait mourir parce qu’il aimait les garçons : “il y avait une dame de la manif, elle disait au journaliste de la télé que j’étais pédophile”).
Pourquoi la gay-pride est-elle importante?
Une fois par an, les enfants de nos villes peuvent regarder derrière leurs fenêtres et voir des femmes et des hommes: nombreux, différents, dansant et chantant. Certains portent des couleurs criardes.
Certains s’habillent en femmes quand ils sont hommes, d’autres s’habillent en hommes quand elles sont femmes. Ou, rien de tout ça: des marcheurs se fondent dans la masse anonyme, hétérosexuels, homosexuels, lesbiennes, bisexuels, transsexuels, ils défilent tout simplement. Tout simplement. Et ils ont l’air heureux. C’est fondamental le bonheur: on espère tous y arriver un jour.
La gay-pride est importante.
Pas seulement pour ceux qui sont en bas et qui défilent. Elle est importante pour ceux qui sont en haut: pour nos ados. Elle est là pour leurs adresser des messages différents de “La France a besoin d’enfants, pas d’homosexuels” ou “Un papa des roustons, une maman des nichons” et autres âneries dont la fulgurance idéologique ne fait aucun doute…
Ces messages, portés par cette foule différente, disent ceci: “N’aie pas peur. Qui que tu sois, n’aie pas peur. Tu n’es pas tout(e) seul(e). Ce que tu es et qui tu aimes n’est pas grave. Seule la mort est grave, petit(e)”.
Un(e) adolescent(e) se découvrant homosexuel(le) a huit fois plus de risque de passage à l’acte suicidaire qu’un(e) autre adolescent(e). Il y a plusieurs dizaines de milliers de tentatives de suicides chaque année en france chez les adolescents. C’est la deuxième cause de mortalité à cet âge là.
La deuxième cause de familles brisées. Près d’une tentative de suicide sur deux est liée à la non acceptation de son orientation sexuelle. À cause de nous, les adultes, il y a peu de chance que ce compte macabre baisse en 2015…
Vous croyez que nous les avons aidés ces derniers mois? À s’accepter? À prendre confiance en eux? À éprouver de l’estime pour ce qu’ils sont? Vous croyez que nous les avons aidés à grandir? À s’épanouir? À être heureux? Honte à nous: on se dit “adultes”, citoyens, père, mère, on manifeste, on dit vouloir défendre des valeurs, protéger nos enfants…
Les adolescents mal dans leurs peaux se moquent de savoir ce qu’il en est du mariage, de l’adoption, de la PMA ou de la GPA. Ils se moquent de ces problèmes d’adultes. Mais ils voient, ils entendent, ils interprètent (souvent à côté de la plaque: ce sont des adolescents). Ces gamins regardent dehors, tout en bas, les rues se remplir de monde, de banderoles aux messages douteux, ils voient des coups échangés avec la police, des vitrines brûlées, des gaz lacrymogènes monter vers eux. Ils entendent aussi les slogans…
Le nombre d’enfants jetés de chez eux à cause de leurs orientations sexuelles est en augmentation constante depuis le débat sur la loi Taubira (plus 35% de demande d’hébergement d’urgence auprès de l’association Le Refuge). En France, un adolescent se suicide toutes les 48 à 72 heures à cause de son orientation sexuelle (environ 180 suicides par an, chiffres de l’INPES France) Que peut-on ressentir quand on est mis à la rue à l’âge de 14 ans? Et par les gens qu’on pensait aimer et être aimé en retour?
Des choses terribles ont été dites ces derniers mois sur l’homosexualité. Voulez-vous savoir une chose? Elles ont été entendues. Par nos enfants. Parmi ceux-ci, certains se cherchent et ne savent pas encore qui ils sont. Leurs souffrances adolescentes s’impriment en marque indigne sur nos consciences d’adultes.
Honte à nous tous! Notre incapacité d’adulte à mener un débat apaisé sur la question est un miroir déformant tendu vers leur mal-être adolescent. Honte à nous tous!
Des gosses meurent tous les jours à cause de ça. Rappelons à nos mémoires les noms de Tyler Clementi, Seth Walsh, Billy Brown, Belinda Allen, etc… Ils avaient 13, 14 ou 15 ans, etc… Elles aimaient les filles. Ils aimaient les garçons. Ils se sont suicidés. Ils aimaient. Honte à nous tous.
La gay-pride est importante. J’irai défiler. Pas parce que je suis hétérosexuel, homosexuel, lesbienne, transsexuel ou bisexuel. J’irai défiler pour ce gamin qui a pleuré l’autre soir dans mes bras, pour nos adolescentes et nos adolescents. Ceux qui sont derrière leurs fenêtres et veulent mourir. Pour leur dire de ne pas avoir peur, ils ne sont pas seuls. Pour leur dire que ce n’est pas grave d’aimer.
Seule la mort est grave.
Baptiste Beaulieu
À partager en masse s’il vous plait…