L’histoire, c’est S., une patiente. Merci.
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Alors voilà, elle hésite, c’est son histoire, mais elle n’aime pas parler d’elle, puis ça a toujours l’air plus vrai quand c’est l’histoire d’une princesse ou d’un chevalier… Mais elle n’a pas une carrure de princesse. Donc, voilà : c’est l’histoire d’une jeune fille, petite, toute petite, on dirait un lutin, mais avec un fort caractère (il faut imaginer un lutin avec un gros, très gros marteau).
Un jour, elle a un amoureux, et comme elle ne veut pas de bébé, elle va chez LA gynéco, pour la première fois : “La pilule ? Mais enfin tu es trop petite pour ça ! Et puis à ton âge, les filles ça ne devraient pas faire ça !!!!” Et dans sa tête, le petit lutin met un grand coup de marteau sur la tête de la dame aux cheveux gris.
[…]
Quelques temps plus tard, le lutin se sent très fatigué. C’est que des règles régulières et du sang perdu tous les mois, c’est beaucoup pour un si petit être. Alors elle re-consulte, UN gynéco cette fois. “La pilule en continu ? Pour quoi faire ? Les règles c’est normal, ça n’a jamais tué personne et puis tu n’es pas si fatiguée que ça !” Et dans sa tête, le petit lutin écrase son gros marteau sur le moustachu aux cheveux blancs, le grand expert des règles (de 3). Elle se console en se disant : “Lui, il doit sûrement pleurer quand il s’est coupé le bout du doigt avec le bord d’une feuille…”
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Des années plus tard, le lutin a changé, et se dit que ce serait bien de vérifier si tout va bien. Il re-re-consulte, une gynéco encore, une dame qui lui pose plein de questions sur les gens qu’elle aime, (et c’est vrai qu’elle aime beaucoup de monde) “Pansexuelle ? Les filles ET les garçons ? Hé ben, on sait plus quoi inventer de nos jours… enfin si tu couches surtout avec des hommes, tu m’as l’air d’être “normale” et puis le reste, ça te passera…” Et dans sa tête, le petit lutin décolle avec son gros marteau la coupe carrée brune des épaules. VLAM ! Strike !
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Les années passent encore, le petit lutin qui a l’air d’être “normal” aime beaucoup de monde, et se dit qu’il faudrait faire attention, quand même. Elle re-re-re-consulte, un gynéco, à nouveau, pour lui parler des gens qu’elle aime. “Oui, enfin si tu n’es pas “sage”, il faudra pas t’étonner d’avoir quelque chose !” Cette fois c’est trop, le poing s’abat sur la table (comme… un gros marteau !), le lutin sort, et jure qu’il ne reviendra pas. Jamais.
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Et puis un soir, un ami du lutin, un farfadet plein d’arcs-en-ciel, lui parle d’un endroit où on soigne les farfadets et les lutins comme eux. Alors, le gros marteau déjà sorti, le lutin accepte, méfiant, d’essayer encore.
Mais quand il arrive, le docteur est tout gentil. Il dit “bonjour”… (IL DIT BONJOUR !) Il se présente, même ! Il est vénérologue. “Je suis là pour vous aider, pour que tout se passe bien.” Avec le lutin, ils font une longue liste. Des amoureux, des tests à faire, des examens qui manquent. Il lui parle d’un dépistage, qu’il faut faire aux jeunes filles. Ça n’a jamais été fait, il est inquiet pour le lutin. Alors on fait. Mais tout ne se passe pas comme prévu, les résultats sont inquiétants. Comme le lutin se braque, le docteur lui dit “Il FAUT consulter. Cette gynécologue là, c’est une amie, je vous assure, faites-lui confiance.”
[…]
Et comme il a été gentil avec lui, le lutin veut bien faire confiance. C’est une dame toute blonde, la première à lui dire “vous”, à voir que le lutin n’est pas si petit malgré sa taille, et qu’on peut être petite sans être ni une enfant ni infantilisée. La première à ne pas dire que c’est mal ou “anormal” d’aimer trop de monde. La première à ne pas être une… donneuse de leçon paternaliste ? (Et oui, petit lutin, parfois, nous les médecins, nous faisons l’erreur de croire qu’avec le diplôme, nous devenons par la grâce de Dieu le papa et la maman de nos patients… Et oui…).
Le lutin s’entend bien avec cette gynéco.
Et ça tombe bien, parce que d’ennemi, il y en a un, un vrai, un qui pourrait devenir très méchant. “Il ne faut pas vous inquiéter. Nous allons surveiller, nous allons vous aider, et faire en sorte que tout se passe bien.”
Et le lutin la croit.
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Depuis ce jour-là, le lutin a un tout petit crabe, mais elle a toujours son très gros marteau.
Et non, non, non, elle n’a même plus peur des gynécos !
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PS : je me rendrai au CÉLÉBRISSIME salon du livre de BRIVE le 7 et 8 novembre ! Venez à Brive ! C’est le plus grand/ancien salon du livre de France et c’est fun (y a Jean D’Ormesson qui danse le twerk sur Beyoncé ! ) Venez je vous prends dans mes bras, et quand on se prend dans les bras, nos corps produisent de l’ocytocine et on lutte contre le cancer ! Yeahhhh ! (je prends la carte vitale !)
PS 2 : désolé j’ai du retard dans ma réponse à vos mails… Mais je réponds ! prenez soin de vous !!! <3
PS 3 : C’est avec une grande joie que j’ai appris la nomination de mon premier roman pour le prix France Culture, Lire dans le Noir. Merci à tous de me soutenir depuis le début… Depuis le blog… Le premier livre… Le deuxième (qui a autant de succès que le premier, même à l’étranger, qui vous a fait rire et pleurer. Il est d’ailleurs parmi les 5 finalistes du Prix Méditerranée des lycéens, un prix qui récompense parmi 40 ouvrages sélectionnés celui que préfèrent 3000 lycéens dans 60 lycées ! C’est un très prestigieux prix, et c’est grâce à vous tous, les « Alors Voilà », qui donnez de la visibilité à mes romans… Je n’ai pas d’autres mots que : Merci, merci, et merci ! )…
Merci, merci, merci !