L’histoire c’est C., aide-soignante, l’écriture c’est moi. J’en profite pour rendre hommage aux aide-soignantes et aide-soignants. Si vous voulez raconter c’est ICI.
Alors voilà, un matin de Noël, C., aide-soignante, reçoit l’appel d’un vieil homme, Moïse. Un peu balbutiant, un peu lent, il tourne autour du pot << vous savez… je suis âgé, je n’ai aucune aide à la maison et… j’ai du mal à faire certains gestes… je n’arrive pas à me laver correctement… je sais bien que je ne sens pas très bon et… même à mon âge… on a sa dignité…>>
C. perd un peu patience : << Non, elle ne fait pas de consultation par téléphone ! >> Aussitôt, elle se rend compte qu’elle a été sèche, elle s’en veut, elle lui dit de venir, qu’ils verront sur place, sur pièce, et sur pieds.
Les heures passent, et Moïse arrive, et il est hirsute, et noir de crasse, et il dégage cette odeur insupportable de solitude, d’incurie.
C. l’écoute patiemment, c’est Noël, il y a peu de patients. Moïse n’a pour seules paroles que des excuses pour son manque d’hygiène. V., l’infirmière, est d’accord pour donner un coup de main, alors elles lui proposent une douche.
Moïse ne se fait pas prier, mais sa gêne se traduit par un besoin de vider son sac. Pourquoi il en est là ? Jamais marié, jamais d’enfants, en conflit avec le reste de sa famille, isolé, peu d’amis… <<Un jour arrive et on s’aperçoit qu’on a pas de gens à qui plaire, vous savez ?>>…Non, elles ne savent pas. Seul, seul, seul… Il parle, elles nettoient. Enfin, elles brossent, bichonnent, briquent, rasent… Les poils de sa barbe tombent, elles lui nettoient les oreilles, lui coupent les ongles des mains, des pieds… l’eau de la douche est toute noire, et plus elle est noire, plus la peau de Moïse est rose… Il sourit, il dit merci, parce que, quand même, on le touche… Un AUTRE être humain le touche ! Il avait oublié ce que ça faisait, la chaleur de l’AUTRE ! Et il est là, tout joyeux, il raconte sa vie, sa solitude, il dit pardon pour l’odeur, pour l’aspect, pour les poux, il dit pardon et le savon coule, les ongles tombent, les croutes aussi, bleues, vertes, noires, des tas de croûtes… les peaux mortes aussi… on semble presque voir son visage maintenant, un vieil homme avec une histoire d’isolement ordinaire, et de laisser-aller… <<Dans ma vie, la tendresse, elle est partie faire la guerre !>>. Deux flacons de savon sont vidés, on frotte encore, l’aide-soignante en a vu d’autre, mais elle a du mal, elle gardera dans ses narines l’odeur âcre du vieux monsieur durant deux jours, mais ça y est, on y est, il sent la fleur d’oranger à présent, et ses cheveux sentent la fraise, et PSHITT ! PSHITT ! on met un peu d’eau de Cologne ! Et sa peau rougit, elle n’a plus l’habitude, sa peau, sa pauvre peau… Lui il sourit, elles sourient, elles amènent un miroir, il a les larmes aux yeux,
il rit,
il se reconnait.
Là, dans le miroir,
un homme surgit,
un homme apparaît.
Il ne l’avait pas vu depuis longtemps.
——
La fin heureuse, c’était là (arrêtez-vous).
La suite de l’histoire, c’est qu’il a remis ses vêtements qui n’avaient pas pris de douche, sa chemise maculée, son pantalon dur, sale et souillé, il a dit merci, il a sorti des pièces, une pièce, deux pièces, trois pièces, il y avait 10€.
<< Vous vous achèterez des chocolats pour Noël. C’est une nuit spéciale, vous savez ? >> a-t-il dit en les donnant à C., et comme il n’avait pas de mutuelle, pas de 100%, il a attendu au pied de l’hôpital, dans l’obscurité et le froid, puis il est rentré en bus, seul.
——–
Nota : J’ai commis un papier sur Madame Jacqueline Sauvage, dans un célèbre magazine de presse. Voilà. Je vous embrasse et vous souhaite de bonnes fêtes. Merci pour cette année que nous avons passée ensemble. Pour mon blog, mes livres, nos rencontres aux dédicaces, les histoires échangées. Merci pour tout.
Tant que nous sommes des Hommes, pratiquons l’humanité.
Sénèque
Même pas capable de mettre quelques mots. Je ne suis que larmes. Après avoir empaqueté plein de cadeaux, je me demande ce que je fais là…
Mais tu vis…. tout simplement
Et il faut vivre.
Et pour ne pas culpabiliser , mon petit truc à moi c est de réussir à rendre une personne par jour heureuse par un geste,un mot… ou une écoute, bref quelque chose qui vient de toi.
Comme cela fin de journée, quand tu fais le bilan, tu te sens aussi plus heureuse, plus positive.
Bisous à tous et à Baptiste pour ce conte de Noël.
Que chacun puisse éclairer autour de lui grâce à sa lumière intérieure
🙂
merci à vous, cher Baptiste.
vos écrits ont contribué à éclairer cette année 2015, pourtant si pleine d’obscurité…
je vous embrasse, de tout mon coeur.
ce n’est pas un conte de Noël – surtout pas – dire que tant de personnes possèdent tant de choses et de biens inutiles bien rangés dans caves, greniers, garde-robes et placards (je ne veux même pas mentionner les vides greniers et autres garage sales) (parce qu’on ne sait jamais) (n’est ce pas ? ) et que PERSONNE, PERSQ
ONNE n’a pu donné – offrir à ce monsieur soigné en toute dignité la moindre parure qui aurait juste pu lui rendre sa vraie personnalité. Quel gâchis pour lui , pour les personnes qui l’ont lavé , soigné et qui se sont si bien occupés de lui-
Mon commentaire s’en est allé sans même avoir pu corriger l’orthographe mais je pense que mes propos ont été clairs. Joyeux Noël à toutes et tous
Larmes aux yeux… la vraie beauté du coeur est là, dans cette douche, dans ces dix euros… quelle leçon… quelle beauté, aussi.
Ce qu’il a vu dans le miroir, au-delà de lui-même, c’est l’humanité et l’empathie de ces deux femmes, pour lesquelles j’ai une douce pensée (moi qui à 5 ans voulait faire “de l’aidage aux vieux”).
Dans les contes de Noël mi figue – mi raisin, j’aimais beaucoup la petite marchande d’allumettes, maintenant il y aura aussi les petites marchandes de sourire.
Bonnes fêtes de fin d’année Baptiste, et merci à toi pour cette année de sourire, de rire, de larmes … et de réflexion sur soi aussi parfois.
Bonjour Bibi,
j’accompagne dans la vie un femme merveilleuse, aide soignante à domicile, et dans nos campagnes des Moîses ou Moîsettes on rencontre beaucoup. trop ….. et nous sommes bientôt en 2016 !!!
Alors pratiquons l’humanité et nous resterons des hommes ….
Je t’embrasse mon Bibi et passes de bonnes fêtes.
!!!!!!! Je vous embrasse tous passez de bonnes fêtes !!!!!!!!
merci ! 🙂
De merveilleuses fêtes de fin d’année!
…et comme dans merveilleuse il y a veiller, je vous invite à bien veiller sur vous!
Je me suis imaginé qu’à force de frotter, les deux femmes verraient apparaître un ventre rebondi, une barbe blanche et floconneuse, un beau nez rond et des yeux rieurs. Le vieux monsieur en partant aurait lancé un magnifique “Ho ho ho ! Joyeux Noël à tous !”
Non, décidément, je ne grandirais jamais…
Bonnes fêtes à tous !!
Et QUI a salopé le beau bébé tout rose et tout gluant de vie sorti tout droit de la cheminée de sa maman ? hmmm ?
Et QUI s’en fout complètement à longueur d’année s’il se cradifie dans le ruisseau, s’il se gargouillifie, le beau gosse ? Finalement, n’est-il pas ce que petijézü a voulu ? hmmm ?
Et QUI se cache aussi sous le costume rouge bordé de blanche hermine et la barbe et les rennes alouette ? C’est lui, ce monsieur tout noir de crasse qui fait le mariolle avec son gros pif depardiesque pour fêter le passage du solstice au fond de son étable qui est dans sa tête et pue la bouse.
C’est celui là que le monsieur directeur tout rose du magasin tout doré a ramassé dans la rue le matin tôt et que comme çà il aura tout bon en allant au ciel, le monsieur directeur tout rose du super markette tout doré pimpant !
C’est lui qui aura donné de la joie aux mômes, un sourires aux mamans, lui qui aura aussi fait des sacs de sous. Il aura donné un petit boulot au tout noir tout crasse. Et en plus contre un pécule auquel il rêve tous les jours : une bonne soupe chaude, comme au temps d’avant, quand il était pas poivrot. *
Demain ? Oui, demain… Quoi, demain ?
Qui sait ce que sera demain ? Pour le gâh tout sale ? Celui qui ne sait même plus lever les yeux vers une glace, vers le soleil. Vers les autres ?
Mais…QUI parle de demain ? QUI parle d’avenir, ici ?
Aujourd’hui. C’est maintenant la fête. Ni hier ni demain.
Aujourd’hui, c’est Noël… Le reste…
Alors, profite !
* ((merci Jacques))
et la mère Françoise et Madame André…mais Moïse il verse pas dans la chopine …il a juste oublié de prendre soin de lui parce que “pour qui?” “pourquoi?” un aquaboniste à la Gainsbourg malgré lui.
mèze!
y’a aussi des petites mains vaillantes et des coeurs balèzes qui s’activent partout et ç’est ça qui changent tout !
énormes kiss à every beau dit!
Que c’est triste tout ça, et malgré tout ce monsieur aura eu un moment de bonheur ou on l’a considéré de nouveau, merci pour ce billet tout à fait dans l’esprit de noël qui nous habite et qui doit perdurer encsuite, douces fêtes à tous et à en 2016
Magnifique article sur madame J Sauvage…
Bravo Baptiste! Vous êtes une belle âme, ne changez pas…
Joyeux Noël à vous et les vôtres
Merci Baptiste pour ce si bel article concernant Madame Jacqueline Sauvage (notez les majuscules…). J’ai honte de la justice française quand je vois qu’elle a condamné cette dame à 10 ans de prison. N’a-t-elle donc pas assez souffert ?
Il n’y a rien de plus a ajouter à votre article. Les larmes me montent aux yeux, car en effet nous n’avons rien fait pour elle, ni pour ses enfants d’ailleurs qui ont grandi dans la souffrance, la peur, la terreur, que l’on ne peut surement même pas imaginer !!
La France pays des droits de L’Homme et de la Femme ??
Merci pour vous textes, vos livres et vos articles.
Passez de bonnes fêtes.
Maritxu.
Je viens de lire votre post sur Jacqueline Savage. Cette affaire me rappelle celle dont a été tiré un livre (écrit par l'”accusée/victime” elle-même) et un téléfilm (je ne me souviens hélas plus du titre) passé à la télé il y a quelques mois.
Même sujet, même contexte et jugement opposé : elle a été acquittée, à la demande du procureur lui-même et avec ses excuses car la société ne l’avait pas protégée.
Il semble que la différence entre les 2 histoires soit le meurtre lui-même : légitime défense pour celle qui a été innocenté, assassinat pour Jacqueline Sauvage ca
Bonjour
C’était “L’emprise”
Des bises !
Merci de me rafraîchir la mémoire…
Bises à vous aussi.
(mon message est parti trop vite)…
assassinat dont pour Jacqueline Savage car elle ne s’est pas défendue au moment de son acte, elle l’avait planifié !!
A une époque où on reconnaît le “burn-out” donc l’épuisement physique et moral) au travail, on ignore toujours le “burn-out conjugal” dû à des conditions de vie autrement plus violentes et malheureusement souvent peu visibles.
Je suis désolée d’être un peu confuse (surtout pour mon 1er post, je suis aussi un peu émue), ce sujet nous amenant à nous poser tant d’autres questions que celle qui nous occupe là, l’une d’entre elles étant les priorités de notre société actuelle.
Je vous joyeuses fêtes de fin d’année à tous.
Salle d’attente ophtalmo … un 24 décembre … à côté de moi un très vieux Monsieur qui aurait besoin d’un grand bain et de nouveaux vêtements … il sourit , s’excuse, il est le seul à ne pas faire semblant d’être trop occupé pour ne pas regarder les autres … joyeux noël à tous 🙂
mais dans quel monde on vit…
ça me rend triste
je me vois finir comme ce monsieur
pareil
et j’ai peur
je ne dis pas que le boulot de ces femmes est remarquable
j’essaie de dire que ce n’est pas acceptable que cet homme en soit arrivé “là”
c’est trop triste
trop dur
Mon père est en train de devenir comme ce monsieur.
Il plane en permanence et grossit de plus en plus. Je m’en fous de l’esthétique, là n’est pas la question, c’est juste qu’à un moment ça devient mauvais pour le souffle et les articulations. J’ai voulu l’emmener chez un docteur et puis….je suis tombée malade pendant quatre mois et j’ai perdu mon boulot. Je suis interdite de permis de conduire(nan, je picole pas, j’ai des crises partielles, par moment mon cerveau fait des blagues, genre “je suis pas là, veuillez rappeler plus tard”). Je suis tout juste “guérie”, entendez par là que je me suis sevrée de la moitié du traitement que je prenais. J’ai envoyé chier tous ceux qui ont tenté de me prescrire des antidépresseurs car pas question de devenir comme papa. J’ai fait, fait, fait, appris, et je compte continuer.
Mon père est bipolaire, à son époque c’était sous-diagnostiqué. Quand j’étais petite, il me faisait peur. Maintenant, il a un traitement bon pour assommer les chevaux. Même avant les gros problèmes qu’il connaissait aujourd’hui, même du temps où il était marié, c’était galère pour qu’il se lave. Ça ne me fait pas plaisir. On a essayé de l’aider. On a échoué. Toujours. Et je ne sais pas ce que je dois faire. Egoïstement, j’ai peur de couler avec lui alors que j’ai eu tant de mal à me remonter. Je sais que plus je m’éloigne de lui, mieux je respire. C’est moche? Oui. Je suis peut-être moche après tout.
Je n’ai pas envie de faire pitié, je voudrais juste que quelqu’un me dise ce que je dois faire.
aka Lefilsdupèrefouettard.
pour Lafilledupèrenoël. Pour une fois, une chose très sérieuse mais qui va rester entre nous, heureusement. “Je n’ai pas envie de faire pitié, je voudrais juste que quelqu’un me dise ce que je dois faire.” (sic). Prodigue amour et tendresse, même sans passer à l’acte. Çà percole, l’amour. Et quand on est bipolaire, on y est sensible. Çà passe dans les crevasses de crasse mentale que cette maladie fait croître sur nous et nous fait paraître intouchables. Sois toi. Je t’aime déjà un peu, Lafilledup’. Bises.
Mais le problème Hervé, c’est que je n’en ai pas envie, que cet amour je voudrais de toutes mes forces le ressentir, mais je n’y arrive pas. L’emmener chez un docteur de confiance que je connais et qui ne le blindera pas de médicaments, c’est plus un devoir. Je me dis que j’aurai tout tenté pour nous raccommoder. Je me dis que le premier truc important c’est qu’il retrouve sa tête, ne serait-ce qu’un peu.
Il a été malmené par trop de monde, dont un mec qu’on a dénoncé à l’ordre des médecins. Si il existe un Enfer des docteurs, je pense qu’il y a sa place.
Je souhaite de tout cœur que ta souffrance se taise un moment. Et que tu puisses retrouver un peu de la sérénité d’un temps “d’avant” pas si lointain. Bises.
que la solitude est horrible quand on est seul sans famille et que l’on n’arrive plus à se laver, ni s’entretenir, que font les services sociaux qui s’occupent plus d’enlever les enfants aux parents, que de s’occuper des personnes seules sans moyens, je suis désespérée de lire cela mais quelle humanité des aides soignants, chapeau
Hélas, les service sociaux font bien souvent ce qu’ils peuvent, avec les moyens qu’ils ont.
Une fois de plus, merci pour ce beau texte B.
Joyeux Noël à tous, puissions nous nous aimer et aider les uns les autres !
Des bisous
Le blog de Baptiste, le blog qui me fait verser des larmes chaque fois que je le lis.
mais j’y retourne toujours!
Tellement triste à la lecture de ton post baptiste. Ce quotidien lourd et gris pour tant de gens… pfff… pas de mots.
Bonjour Baptiste,
Je suis une de ces patientes chroniques qui côtoient le monde médical jusqu’à la nausée, qui voudraient tellement le fuir…. Je dépose ici aujourd’hui un petit mot de remerciement un peu humide pour l’humanité qui sourd dans tous vos posts. C’est si rare ! De bons médecins, il en existe, j’en témoigne, d’excellents même, sachant quand faire passer l’empathie devant la connaissance et quand, de nouveau, inverser cet ordre de priorité… mais comme vous le dites, la proportion de cons est la même dans cette profession que partout ailleurs, et puisque je croise beaucoup de médicaux et paramédicaux, je tombe plus souvent que la population moyenne sur des cons, des pontifiants, des debout, des méprisants. Alors voilà, je voulais vous remercier pour votre regard. Ne changez rien, ne vous abîmez pas mais ne changez rien.
Amicalement,
Une patiente chiante.