Alors voilà, il a travaillé dans le BTP et il a ses deux ménisques pétés à force de poser des bordures de 120 kg.Il m’écrit « j’ai un corps déglingué ».
Il raconte sa sciatique, aussi, et sa capsulite rétractile de l’épaule.
Sa capsulite ? Le médecin de la sécu estime qu’elle n’est absolument pas liée à toutes ces heures passées à enfoncer 4 000 fiches de 35 cm dans de l’enrobé à coups de masse (3 kg, la masse…).
Il me dit que la seule chose qu’il a réussi à sauver, la seule partie de son corps à ne pas avoir été donnée à la pierre, ce sont ses mains. Il me dit « mes mains ne parlent pas, contrairement aux mains de mes collègues : les coups de marteau, les traces de goudrons… elles crient, leurs mains ».
Il écrit cette phrase exacte : « Ils ont les sacs de ciment qui leur transpirent par la peau ».
Il m’écrit « Moi, ma fierté c’est de pouvoir dire à mes enfants : Tu vois où tu marches sur cette place, j’ai posé le dallage.Tu vois ce bassin d’orage sur l’autoroute, c’est moi qui… »
Parfois, le soir, il leur dit :
« Tu vois la place de la cathédrale de Dax ? J’y ai cassé mon dos deux ans. »
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Il a 43 ans.