Archives mensuelles : janvier 2017

Le bâtisseur de cathédrale.

Alors voilà, il a travaillé dans le BTP et il a ses deux ménisques pétés à force de poser des bordures de 120 kg.Il m’écrit « j’ai un corps déglingué ».

Il raconte sa sciatique, aussi, et sa capsulite rétractile de l’épaule. 

Sa capsulite ? Le médecin de la sécu estime qu’elle n’est absolument pas liée à toutes ces heures passées à enfoncer 4 000 fiches de 35 cm dans de l’enrobé à coups de masse (3 kg, la masse…).

Il me dit que la seule chose qu’il a réussi à sauver, la seule partie de son corps à ne pas avoir été donnée à la pierre, ce sont ses mains. Il me dit « mes mains ne parlent pas, contrairement aux mains de mes collègues : les coups de marteau, les traces de goudrons… elles crient, leurs mains ».

Il écrit cette phrase exacte : « Ils ont les sacs de ciment qui leur transpirent par la peau ».

Il m’écrit « Moi, ma fierté c’est de pouvoir dire à mes enfants : Tu vois où tu marches sur cette place, j’ai posé le dallage.Tu vois ce bassin d’orage sur l’autoroute, c’est moi qui… »

Parfois, le soir, il leur dit :

« Tu vois la place de la cathédrale de Dax ? J’y ai cassé mon dos deux ans. »

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Il a 43 ans. 

Le compas, le rapporteur, et les prouts. 

Pas de post cette semaine. 

À cause de Facebook (…). 

Pourquoi ? 

Je vois trop d’injustices dans mon métier. Elles me sont insupportables. On me reproche en messages privés d’y parler politique, mais mon métier EST politique. Comment je fais pour m’endormir sans colère devant la violence sociale, la précarité, la détresse morale ou la déchéance des corps ? Comment ? Je ne sais plus m’endormir sans colère…Or, comme je ne sais pas chanter, pas cuisiner, pas monter à cheval, que je n’aime pas le sport, pas les légumes, suis nul en GRS, ne connaît pas mes tables de multiplications et que j’ai un peu de bide, un physique passe-partout, que je danse avec la rigidité géométrique d’un compas et d’un rapporteur, la seule chose qui me reste c’est ma sensibilité, mes romans et mon boulot de médecin où je suis acteur et témoin. 

(bon, je fais aussi très bien les prouts avec la bouche). 

Les temps changent, un vent mauvais se lève et je me refuse à rester spectateur silencieux devant l’effondrement de certaines valeurs que je juge primordiales à mes yeux.

Si je ne ramenais pas ma grande gueule, je me trahirais, et je finirais par devenir une boule de pus avec un stéthoscope qui ne sait pas combien font 7 x 8.

Je tiens à être en accord avec moi-même (en gros, j’écris parce que sinon je suis constipé).
Prenez soin de vous,

Douce et agréable après-midi dominicale.

Une tragédie 2.0

Coucou
Pour les personnes qui ne sont pas sur Facebook et n’ont pas suivi la tempête de merde essuyée ces dernières semaines, j’ai écrit un texte dans le Huffington Post. Il est long, mais il est rédigé avec le coeur et il traite d’un sujet important. 

Je veux bien que vous preniez cinq minutes pour le lire jusqu’au bout et le partager. 

C’est ICI

Je vous souhaite une belle et douce journée.
AUSSI :
J’étais invité de la géniale émission “Grand bien vous fasse” d’Ali Rebeihi sur France Inter. Une heure sur l’écoute médicale.

Ne demandez pas ce que Captain Igloo vient faire ici, je ne sais pas. Je ne sais PAS du tout. 

La femme qui frappait aux portes.

Alors voilà… Madame Martin parle vite, respire vite, existe vite (faut visualiser le lapin blanc d’Alice qui ressasse : “En retard, en retard, je suis en retard !”.) Elle court, avec son caddie vinyl jaune, ses soixante ans et son imperméable à gros imprimés floraux.- J’ai été adoptée. Quand j’avais six ans. Me souviens de rien. C’était l’Algérie, puis c’était la France, puis les années ont passé !
Léger retard cognitif : Madame Martin pense plus jeune que son âge. En elle demeurent le lapin blanc ET Alice.

– Mon père adoptif, Parkinson. Ma mère adoptive, cancer du sein, je crois. Ou alors c’était “un cancer pas du sein, mais un cancer quand même” (sic).

(Là, elle rit très fort).

– Je les ai pas laissés, promis. Jamais. Après tout ce qu’ils avaient fait pour moi… Je me suis bien occupée d’eux. 

Son débit de parole est rapide : il faut bien caler la fierté entre les mots et l’amour entre les lettres, alors elle tasse !

– Maintenant qu’ils sont partis, et que je suis sûre de ne plus les blesser, je peux me consacrer à mes voyages. 

Ses voyages ? Retrouver sa famille. 

En vérité, elle s’appelait Larbaoui avant d’être adoptée. C’est tout ce qu’elle sait sur ses origines. Elle s’est mise en tête que tous les Larbaoui de France sont potentiellement sa famille d’origine. Alors elle les appelle, les uns après les autres. Elle prend le train avec son caddie, et frappe aux portes. Elle cherche. 

– Y en a quelques-uns à Strasbourg. Je vais aller les voir.

L’année dernière, elle a sillonné Paris et Lyon.

Peut-être, un jour, sonnera-t-elle à votre porte ? Sachez qu’elle a attendu longtemps pour vous rencontrer.

J’espère qu’elle vous trouvera vite.

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Je rappelle (internet, je te connais si bien !) que les noms, sexes, âges et données géographiques sont systématiquement modifiés dans mes post.
Enfin, le très bon magazine CAUSETTE me fait l’honneur d’être leur grand portrait de Janvier. Quatre pages (ICI) pour parler médecine, famille, société, et situation des mères célibataires en situation de soin (rapport à mon dernier roman paru en octobre). 
Bonne soirée à toutes et tous…