Alors voilà, ce couple au cabinet médical.
Ils sont en face de moi.
Ils parlent.
Même si je ne les connaissais pas bien, je devinerais aisément qu’ils ne s’aiment plus.
La fin de leur amour est manifeste.
Ça tient à rien, mais ça se voit.
Oh, pourtant, ils font merveilleusement semblant. Souvent, ils se forcent à rire aux blagues de l’autre, qu’on devine mille fois éculées.
Ils me font penser à cette histoire du vieux et de son chien (c’est dans un vieux comic-strip que j’ai lu, enfant). Le vieux aux cheveux blancs aime son chien. Le chien aime le vieillard.
Le pékinois frétille au pied du fauteuil du vieux. « Tu veux sortir, petit garnement ! » dit le vieil homme. Le chien jappe. « Allez, je t’accroche la laisse et nous partons ! ».
Le vieux attache la laisse au cou de son chien, enfile son manteau, attrape son chapeau. À peine a-t-il terminé son geste que le chien, sans crier gare, meurt. POF ! Comme ça ! Raide.
Et, là, le dessinateur met dans la bouche du vieillard cette phrase inoubliable :
« Tant pis, je te sors quand même ! »
Et le vieil homme de traîner derrière lui la dépouille du chien mort, le long de la promenade promise…
Ce couple qui ne s’aime plus me donne l’impression de faire exactement la même chose l’un avec l’autre. L’un avec l’amour de l’autre. Ils le trainent, en souvenir du bon vieux temps, d’une promesse peut-être, d’une certaine nostalgie qui ne manque pas de les hanter.
Combien d’hommes et de femmes sont ainsi ? Comme ce couple ? A trainer leur amour mort par terre et par habitude ?
Combien de ceux qui me lisent actuellement ?
Et moi, un jour, est-ce que je traînerai mes promesses ?