Archives mensuelles : novembre 2019

La question.

Alors voilà… Je suis content de me faire le porte-voix d’une lectrice dont je relaie ici le courrier :

« La ménopause est rarement une raison de se réjouir chez les femmes, Baptiste, sauf chez celles qui ont eu à se traîner des règles douloureuses durant des années.

Imagine, Baptiste : je suis une femme et toute ma vie j’ai eu mal pendant mes règles.

Au début, quand j’avais onze/douze ans, ma mère, ma soeur, ma tante, mon père, bref l’entourage, tout le monde m’a dit « c’est normal d’avoir mal ».

Imagine, Baptiste : j’ai entendu des mots comme “douillette” ou “chochotte”.

Plus grande, j’ai consulté un médecin généraliste, mon médecin, en qui j’avais confiance, il m’a dit « c’est normal d’avoir mal pendant ses règles, toutes les femmes ont mal pendant leurs règles », et il m’a filé un anti-inflammatoire.

Moi j’y ai cru. J’ai cru ma famille, j’ai cru le médecin, j’ai cru la société, j’ai cru les copains, les copines, etc etc.

Je me suis dit « c’est ta faute, tu es trop douillette, trop chochotte », et j’ai serré les dents sept jours par mois pendant deux ans / trois ans / quatre ans / dix ans / vingts ans !!!

Imagine, Baptiste, je me suis dit « c’est normal d’avoir mal, de serrer les dents sept jours par mois pendant dix ans, et je veux pas qu’on me traite de chochotte ».

Et je m’en suis peut-être même voulu d’avoir à me plaindre aussi souvent pour rien, ça m’a renvoyé une image très négative.

Et puis un jour, au détour d’un hasard de la vie, une échographie et voilà qu’on me trouve des petits morceaux de muqueuses utérines un peu partout dans le pelvis et l’abdomen. Voilà qu’on me dit : « c’est de l’endométriose ».

Ah.

On m’explique « ça provoque des douleurs durant les règles ».

Ah.

On ajoute : « ça touche une femme sur dix ».

Ah.

Une. Femme. Sur. Dix.

Comment se fait-il qu’une maladie touche une femme sur dix sans que je sois pas au courant ? Comment se fait-il que nos mères, nos sœurs, nos tantes, nos pères ne soient au courant ? Nos médecins de famille ? Quelle mascarade !

Parce que je sens bien, au fond, que si une maladie touchait un homme sur dix, sept jours par mois pendant trente ans, on la connaîtrait par cœur, cette maladie, et il y aurait des diagnostics précoces organisés partout dès le CM2, et on disposerait de moyens diagnostiques hyper bien rodés.

Mais non. Il a fallu que je sois femme. Et j’ai souffert. Nous sommes nombreuses dans mon cas. À avoir pensé que c’était dans nos têtes. Et à avoir erré. Erré longtemps.

Et je ne veux pas parler pour les autres, mais à présent je vis avec cette question :

Qui croire maintenant ? »

Alors, chère lectrice, je n’ai pas la réponse à votre question, mais peut-être que les lecteurs et lectrices ici présents en auront une : comment une maladie qui touche une femme sur dix peut-elle être aussi méconnue ?

[le reste de l’article est disponible sur le site de France Inter ICI]

Celui qui achetait du beurre.

J’ai reçu ce petit message de la part d’une soignante sur la dure réalité du métier, elle disait je cite « le système est injuste avec nous, on nous presse comme des citrons et je suis invivable chez moi, surtout lorsque je rentre et que ma famille me sollicite… j’ai envie de me cacher dans ma bulle seule, mais cela reste difficile à comprendre pour mes petits mecs. J’ai honte d’infliger mon mal-être à ma famille ! »

Ce message m’a touché parce que je m’y suis reconnu.

Car enfin quand je reçois une femme victime de violences conjugales, que je sais être victime de violence je veux dire, que je dois retirer les agrafes sur son crâne, que son mari attend en salle d’attente, que pensez-vous qu’on ressent ?

Eh bien une immense, une insupportable fatigue.

Que faire ?

Aller en salle d’attente casser la gueule du mari ? Non.

D’abord il est grand et je suis lâche.

Ensuite, et SURTOUT, ça rendrait la vie de cette femme beaucoup plus compliquée.

Alors après l’avoir invitée à porter plainte de toutes ses forces, toi tu es là, avec ta fatigue du monde, tu as mal à la tête et à l’univers tout entier, tu rentres chez toi, oh oui tu as hâte de rentrer chez toi, mais comme tous les soirs un type s’est garé devant l’entrée de ton parking, comme tous les soirs un type s’est garé là pour aller faire ses courses au Monoprix juste à côté. Et toi tu attends. Avec cette fatigue, et ce sentiment d’injustice et là, dans ta voiture, doucement, ça se transforme en colère. Ça gonfle. Alors un jour, après la énième injustice accompagnée au travail et qui te colle à la peau, la énième agrafée enlevée d’un front, tu descends de voiture et tu vas dans le Monoprix et tu achètes du Beurre, Lesieur 125 grammes. Et tu te retrouves à écrire sur la voiture du type mal garé, ce pauvre type qui prend pour tous les autres pauvres types, pour toutes les injustices, tu te retrouves à écrire : « CECI N’EST PAS UNE PLACE DE PARKING ! ». Mais comme t’es nul en cuisine, et que tu es très très fatigué et très très en colère, tu n’as pas assez de beurre, parce que tu appuies trop fort, parce que c’est le seul endroit où tu peux écraser ton poing, alors le type à la voiture mal garée découvre, écrit sur sa caisse, ce sibyllin message que n’aurait pas renié Magritte « CECI N’EST PAS » ce qui ne veut rien dire, on est d’accord. Et tu surprends tes voisins qui te regardent faire par la fenêtre, avec tes doigts plein de beurre, et tu entends ton voisin dire à sa femme :

« Mais si, mais si, Brigitte, je t’assure, c’est le médecin bienveillant qui écrit des romans et passe sur France Inter ! »

Alors que faire pour éviter que la fatigue se change en colère ?

Acheter du Lesieur en barrette de 250 grammes ?

[L’intégralité de ces chroniques est à retrouver sur le site de France Inter, ICI]

Une autre histoire de partage.

Le médecin que je suis voulait aborder le sujet de la PMA…

D’abord, un droit (comme celui d’accéder à la procréation médicalement assistée) ça se partage. Ça ne devrait pas être confisqué ou réservé à un groupe au seul prétexte que son orientation sexuelle est majoritaire.

Avant l’adoption de la loi bioéthique la semaine dernière, il suffisait de se promener dans un service d’aide médicale à la procréation, de n’y voir QUE des couples hétérosexuels, de penser à toutes ces femmes lesbiennes pour qui cet endroit était – EN TANT QUE COUPLE LÉGITIME- un lieu interdit par la loi, pour comprendre qu’il y avait là quelque chose de pourri au royaume du Danemark.

Alors oui oui j’entends les gens qui disent :

« gnagnagna philosophiquement je ne veux pas payer alors qu’elle ne sont pas stériles ».

D’abord, fichons la paix à la philo. Elle n’est pas là pour servir de paravent à notre ignorance.

Ensuite, les lesbiennes paient les impôts de nos gosses et leurs écoles et les routes où ils apprennent à passer le permis. La sécurité sociale, c’est une des bases du contrat social français. En bénéficier ne devrait pas dépendre de votre orientation sexuelle qui n’est pas un choix.

Ensuite, disons-le directement :

1- les couples hétéros ayant recours à la PMA à 42 ans car avant c’était compliqué/pas le moment pour le boulot/pas la bonne personne/, PHILOSOPHIQUEMENT on les situe où ?

(Personnellement, je suis heureux qu’ils aient droit à une chance d’accéder à la parentalité grâce à la science).

2- saviez-vous que l’infertilité reste inexpliquée chez 10 à 20 % des couples hétéros ! L’homme pourrait, la femme pourrait, mais les deux ensemble n’y arrivent pas. Leur infertilité n’est pas moins sociale que celle des couples lesbiens.

Refuser la PMA pour toutes, c’est dire «l’infertilité sociale des couples hétéros est un problème. Pas celle des couples lesbiens»

Ça revient à dire : «le couple hétéro vaut mieux que le couple homo ».

Ah tiens, rappelons au passage que dans 60% des PMA hétéros, l’infertilité ne concerne qu’UN SEUL des 2 membres du couple.

J’explique :

Soit monsieur peut, mais madame ne peut pas. Soit madame peut, mais monsieur ne peut pas.

Pourtant, personne ne dit à monsieur : « Pourquoi l’état paierait votre PMA si madame est fertile ? Elle n’a qu’à coucher avec le voisin ou se faire inséminer en Espagne ! »

(Ce serait horrible de dire cela, hein ? Pourtant c’est ce que les gens osent dire aux lesbiennes : « mais l’une d’entre vous n’a qu’à aller en boite un soir et coucher avec le premier mec qui passe !).

Eh bien non. La loi est passée.

Les lesbiennes vont fonder des familles, et un jour de vieux couples de femmes ridées entourées de 10 petits-enfants leur apprendront que l’hétérosexualité n’est pas une valeur en soi et qu’il faut autre chose qu’une orientation sexuelle majoritaire pour se sentir meilleur que les autres et descendre manifester dans la rue.

Enfin, puisqu’on cause effort national, entraide et sécurité sociale, et contrat social, il y a un dernier argument qui pop régulièrement du côté des opposants à la PMA « on va manquer de sperme ». Ces gens sont obsédés par le sperme.

Eh bien, soit, je m’engage à partager le mien, et c’est le sens de la très belle tribune signée Mathieu Brancourt : « Don de sperme et PMA: pour des gamètes dans leur vie ».

J’adhère à cette tribune et je m’engage à donner le mien sitôt que la levée de l’anonymat sera actée dans les faits.

Car au final, le seul débat valable sur la PMA c’était bien de se demander si le don devait être semi-anonyme ou pas, comme au Danemark où l’enfant accède à l’identité du donneur quand il a 18 ans.

Et ce, POUR TOUS LES COUPLES.

Le reste, c’est l’histoire malheureuse mais oh combien ancienne dans l’humanité, de ceux qui jouissent d’un privilège et trouvent mille et un prétextes pour refuser de le partager.

[LA SUITE EST DISPONIBLE SUR LE SITE DE FRANCE INTER ICI]

PS : comme à chaque fois après ce genre d’articles, des gens m’écrivent pour que je les désabonne du blog. Vous pouvez le faire de la même manière que vous vous êtes inscrits. Je n’ai pas le temps, je suis trop occupé à accompagner des lesbiennes enceintes au cabinet médical xoxo.