Chers tous et chères toutes,
Désolé pour cette absence prolongée, mais je suis vraiment très très occupé par la crise sanitaire actuelle et la rédaction de mon cinquième roman. J’espère que vous comprenez et que vous serez au rendez-vous malgré tout.
Je profite de ce retour pour vous confier une petite réflexion personnelle, née d’un message envoyé par une lectrice.
Celle-ci m’expliquait qu’on naurait pas dû arrêter l’économie et donc sacrifier la jeunesse pour, je cite, sauver des « vieux et des obèses ».
Y a là-dedans une forme de relativisme eugénique à vomir, et je voudrais vous parler de ce patient qui a pleuré à mon bureau.
Il a 45 ans, et son épouse est morte du coronavirus en avril.
Je ne peux pas donner son prénom ici, à cause du secret médical, elle s’appelait peut-être Martine, ou Julia, ou Cécile, ou Catherine, elle était douce, aimante, elle adorait ses enfants et la randonnée (surtout les Pyrénées), son parfum de glace préféré était pistache, son mari pleurait, pleure, et pleurera encore longtemps, c’était sa femme, ils s’aimaient et elle est morte, et ce patient ne peut pas faire comme si cette crise n’était pas arrivée, les enfants de ce couple ne peuvent pas faire comme si cette crise n’était pas arrivée, les amis de ce couple ne peuvent pas faire comme si cette crise n’était pas arrivée, et moi, son médecin traitant, du haut de mes 35 ans, je ne pourrai jamais plus oublier cette patiente, son mari, leurs enfants, et je ne peux pas faire comme si cette crise n’était pas arrivée.
Alors oui, le confinement va avoir des répercussions économiques dramatiques sur d’autres êtres humains, entraîner en cascade des dépressions, des morts aussi, mais pourquoi pointer du doigt une mesure sanitaire plutôt que le système économique libéral qui rend cette succession de catastrophes possible ?
Quelle société voulons-nous ? Celle qui dit que, pour le bien commun, nous devons sacrifier les plus fragiles, les personnes âgées, les diabétiques, les obèses ?
Vous savez, une vie, c’est long : on finit tous et toutes par être le vieux de quelqu’un, le diabétique de quelqu’un, ou l’obèse de quelqu’un.
Donc je repose la question : quel type de civilisation sommes-nous ? Et surtout : quel type de civilisation voulons-nous incarner ?
À bientôt, Courage et soutien à toutes et tous en ces temps troublés. Je vous espère soutenus et soutenants.
Prenez soin,
Baptiste