Alors voilà, vous vous souvenez de la gentille et adorable vieille patiente qui m’avait offert une djellaba bleue ?
(J’en avais parlé sur Instagram !)
ICI :
Je l’adore. Elle a 70 ans, est bavarde, affectueuse, musulmane, et très pieuse. Elle m’appelle tout le temps « mon fils ! », me ramène des dattes (je pense qu’elle a une plantation dans son petit appartement) etc.
Je l’aime beaucoup, je lui ai rendu service à un moment difficile de sa vie (ptdr en vrai je l’ai juste écoutée quand elle avait besoin que quelqu’un accueille sa peine, mais l’important c’est le résultat).
Donc elle est revenue, et à la fin de la consultation elle me dit :
– Olala, docteur, je suis en train de coudre pour votre compagne une belle gandoura rose avec des perles qui reviennent sur les épaules, olala, vous verrez elle sera très belle avec !!!!
Gêne. Je dois lui dire. J’en ai marre de faire semblant et de hocher la tête à chaque fois qu’elle me demande des nouvelles de « ma compagne ». Mais j’ai peur qu’elle arrête de m’appeler « mon fils »… bref, que ça change quelque chose dans la jolie petite relation soignant/soignée que nous avons réussi à créer.
Je tapote son avant-bras avec la paume de ma main. Et je chuchote :
– Je dois vous dire, Khadijah… [Inspiration/Expiration] Je vis avec un garçon…
Silence. Elle a l’air tracassé et d’un seul coup ses yeux s’éclairent, comme si elle venait de trouver une solution à un épineux problème :
— Eh bien, il pourra quand même la porter à l’intérieur !
Mort de rire ! (une gandoura rose avec des perles sur les épaules ? C’est moi qui vais la porter, oui !) Je souris. Elle lève les mains au ciel, et elle enchaîne avec cette phrase magnifique :
– Un jour, mon fils, inshalla, vous venez avec lui au Maroc, chez ma sœur. Dans la rue vous serez des amis, à la maison vous serez des amants !
(cette phrase😭)
— La chambre d’amis est au premier étage ! D’ailleurs, j’ai mon neveu, un bon garçon, Mohammed, il vit avec Jean-Pascal, et ils sont beaux tous les deux, et un jour, j’avais fait de la Harira, vous connaissez la Harira ? C’est de la soupe marocaine avec des pois chiches et des boulettes et…
Tout à coup, comme piquée par une abeille, elle s’arrête et me demande :
— Docteur, vous chaussez du combien ? Du 48 ?
Moi :
— Du 42.
Elle :
— Inshallah la prochaine fois je vous rapporte des chaussures ! Et à votre amoureux aussi !
Voilà.
Je voudrais que Khadijah mette tous les êtres humains dans sa poche (ou dans sa soupe) et qu’ils en sortent meilleurs.
Bref, soyons comme Khadijah.