La peau.

(La photo est de moi. Depuis quelques temps je m’y essaie un peu en amateur. Vous pouvez me suivre ICI. Je suis moins présent sur le blog pour des raisons personnelles qui me rendent très heureux♥️ mais me prennent du temps. Je vous embrasse toutes et tous et vous espère aussi heureux que moi !)

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Alors voilà, je suis au cabinet médical, monsieur Carné entre me confie son problème du moment je lui indique la table d’examen il soulève son tee-shirt pour que je colle le pavillon de mon stéthoscope à ses poumons.

Je vois alors son tatouage.

J’adore tomber sur une personne tatouée : voir le tatouage, le lire, essayer d’imaginer ce qu’il représente pour le patient. C’est peut-être parce que je suis romancier avant d’être médecin, mais j’adore ça. On touche du doigt une histoire.

Monsieur Carné a tatoué une phrase du genre « Apprends de tes erreur ». Il voit mes yeux s’agrandir un peu quand je lis que le tatoueur a écrit « erreur » sans S à la fin.

Il y a un long silence entre le patient et moi. Il voit que j’ai vu. La faute. L’horrible faute. Alors Monsieur Carné sourit, me confie :

« C’était voulu. »

C’est ce qu’on appelle « Un énoncé performatif ». il oblige, parce qu’Elle est là, l’erreur, et qu’elle saute aux yeux. Monsieur Carné est OBLIGÉ de l’accepter.

Les tatoués doivent savoir que, pour devenir médecin, on nous enseigne à décoder les symptômes pour les regrouper en autant de signes qui nous permettront de poser un diagnostic.

On apprend à lire le corps.

Et le tatouage dit quelque chose de nos patients. Il nous aide à situer une personne dans une trajectoire de vie. Pour un soignant, lire ça est précieux car c’est SIGNIFICATIF.

Par exemple, je pense à une lectrice qui, ayant vécu un deuil périnatal, m’a demandé l’autorisation de tatouer sur son bras une phrase lue dans un de mes romans « tu n’es pas mort, je te continue ». Ça m’a bouleversé.

Pour elle, signaler cet événement, l’inscrire dans sa chair comme pour mieux le tenir dans sa main, c’est un premier pas vers la résilience, SA résilience.

La romancière Héloïse Gay de Bellissen vient de sortir un ouvrage qui s’intitule « Parce que les tatouages sont nos histoires. »

Dans cet essai formidable que je vous recommande chaudement, la romancière écrit :

« Le tatouage réveille l’amour de soi en se logeant là où il n’y avait plus de dignité. Tout à coup on adore l’endroit. On veut montrer à tous sa balafre. Bras, cuisse, hanche, le corps est un endroit qui peut être tracé ou retracé. Maintenant j’accueille cette partie de moi marquée parce que j’ai le sentiment de l’avoir confectionnée. »

Ces mots magnifiques, ils sont résumés par la phrase de monsieur Carné :

« C’était voulu. »

Parce que dans une vie humaine, comme dans la vie de ce patient, ou celle de cette lectrice dont je parlais et qui a vécu ce deuil, quantité d’empreintes et de traces s’inscrivent sur nos cuirs et dans nos cœurs sans qu’on le décide. Pas le tatouage.

Ce qu’il y a de plus profond chez l’homme, c’est la peau, disait Paul Valery.

Ce qu’il y a de plus profond chez le patient, parfois, c’est le tatouage.

32 réflexions sur « La peau. »

  1. Emmanuelle

    Quelle joyeuse raison d’être moins présent ici, que celle d’être plus présent à votre bonheur… pourvu que cela dure !
    J’ai lu récemment un article sur un tatoueur américain qui reconstruit gratuitement les “accidentés de la vie” : il recrée les poitrines mutilées, déguise les cicatrices en fleurs et autres objets poétiques, recrée les ongles des phalanges sectionnées… c’est beau et touchant !

  2. Lantcha

    Touchée sur et dans ma peau par cet article.
    J’ai. 72 ans maintenant et mon histoire est inscrite sur moi. Nous vieillissons ensemble mes nombreux tatouages et moi sous les regards surpris et pas toujours bienveillants des “passants qui passent” et ceux malicieux de mes élèves des cours de yoga que je donne.
    Merci pour votre blog je n’avais jamais écrit mais je vous lis toujours
    De gros bisous. Lantcha

  3. Lantcha

    Merci Baptiste, j’ai sur et dans ma peau une longue histoire de….. 72 ans qui choque parfois qui amuse ou qui surprend. Des drames et des bonheurs, la vie.
    Mes tatouages et moi vieillissons ensemble et me font souvent faire de très belles rencontres, de jolies discussions dans le métro par exemple.
    Je suis touchée par votre article et quel est l’organe du toucher ? La peau bien sur.

  4. Yokese

    Ahhhh…. les tatouages et le regard des autres… il y aura toujours quelqu’un pour critiquer… alors Vivre et laisser Vivre ! Pour moi les tatouages sont comme mes rides ! Mon histoire, mes malheurs, mes bonheurs.
    Heureux moments à vous Baptiste. Les photos sont simples et belles

  5. Edith Peille

    Bonjour Baptiste,
    tout comme Lantcha, je te lis toujours mais je ne laisse que très rarement des commentaires. Ce qui n’est pas le cas sur Intagram où je commente presque tous tes posts.
    Si tu as été interpellé par la faute d’orthographe du tatouage de ton patient, celle qui m’interpelle provient de la phrase de l’un de tes romans qu’une maman ayant vécue un deuil périnatal voulait se faire tatouer : « tu n’est pas mort, je te continue ». Tu n’est ? C’est une coquille (une coquillette comme j’aime à le dire quand je relis mes propres manuscrits) je présume…
    Tu nous mets de si jolies photos sur IG ! Au travers de ton objectif, grâce à tes yeux et grâce à toi, toutes les personnes apparaissant sur tes clichés sont belles ! Baptiste, tu n’es pas un amateur ; oh non ! tu es bien plus que cela. Tu es un excellent photographe car c’est ton regard qui capte la personne avant l’objectif, avant que tu aies pris la photo ; tu as la gentillesse, la bonté et la candeur au fond de tes yeux et c’est par elles que passe le prisme de l’appareil. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre…
    Ce que je sais c’est que regarderai les tatouages différemment.
    Quant au fait que tu sois heureux, mais quel bonheur ! Je suis très heureuse pour toi !
    Je t’embrasse Baptiste.
    Edith alias Blue_771 (je vous surnomme les jumeaux, Ginie et toi.)

  6. bluetit

    j ai un papillon sur l épaule pour le symbole et ce que je suis
    j ai toujours aimé cette peau dessinée
    et je ne regrette absolument pas c est mon intime a fleur de peau
    soit heureux et amoureux il n y as rien de mieux que l amour dans la vie
    aime aime et re aime c est si bon
    bisous

  7. SANNIER Francoise

    Bonjour Baptiste,

    Tu as de la chance d’avoir rencontré l’amour si jeune…. Moi j’ai du ramer jusqu’à 39ans lol
    mais ça vaut le coup tous les jours de notre vie de couple (Homo )
    Il y a aussi des gens qui n’ont et n’auront pas cette chance de l’amour, alors il faut chaque jour s’appliquer à le mériter.
    Meilleurs vœux de bonheur

  8. tisseur evelyne

    beaucoup de bonheur, à toi, Baptiste, sois heureux et tu nous rendras encore plus heureux à te lire !!
    Gräce à ton article, j’ouvrirai les yeux différemment sur les tatoué(e)s , mais je n’en continuerai pas moins à ne pas aimer .
    Et toi, es-tu aussi tatoué dans ta chair ?
    bises

  9. Cath

    Les tatouages m’ont toujours laissée perplexe : douillette comme je suis, je n’ai jamais compris comment on pouvait supporter la torture de ces piqûres à répétition. Certains sont des œuvres d’art, j’en conviens, d’autres racontent des traditions et des mythes. Mais je ne suis pas fan.
    Je vais relire Daniel Pennac et la saga des Malaussène, notamment le livre qui parle de la nonne tatoueuse, artiste delicate. 😉

  10. Valentine

    Bonjour Baptiste,
    Je suis subjuguée par vos multiples talents: médecins, auteurs (j’ai adoré la ballade de l’enfant gris!) et maintenant photographe! C’est incroyable tant de dons dans une seule personne! Je suis ravie de vous savoir heureux,
    Bonne journée

  11. Bertrouf

    Dans une phrase qui parle des erreurs, faire une erreur (faute d’orthographe) est une sorte de méta erreur, une auto-référence. C’est subtil ! Et il serait tellement facile d’ajouter ce “S” dont l’absence semble si infamante que j’y crois, au “c’était voulu”.
    Et je te rejoins aussi sur le double sens de “C’était voulu”. La faute l’était, le tatouage aussi. A pleine chair !

  12. Véro Bisontine

    Je pense à cette phrase, trouvée dans ton roman : “tu n’es pas mort, je te continue”.
    Je ne me la suis pas fait tatouer, mais j’y pense souvent, en référence au décès de ma maman.
    Surtout quand le chagrin et le manque sont bien là.
    C’est mon petit truc à moi.

  13. DoubleK

    Comme beaucoup, je n’avais jamais imaginé me faire tatouer
    Puis j’ai eu mon fils et une image s’est imposée à mon esprit dans ses premiers mois, celle d’un tatouage très précis que j’ai fini par faire réaliser sur mon épaule, seul moyen de sortir de ma tête ce qui était devenu une obsession. Cette image, tout droit sortie de mes rêves s’avère avoir une signification précise dans l’art des tatouage polynésien et que cette symbolique collait parfaitement à l’histoire compliquée de mon fils.
    Quand je suis ensuite tombée enceinte de ma fille, je ne le savais pas encore mais mon subconscient oui apparemment, j’ai rêvé d’un autre tatouage très précis qui a aussi tourné à l’obsession jusqu’à la découverte de la grossesse. J’ai fait réaliser ce tatouage et découvert également que sa signification collait parfaitement à l’histoire de ma fille (également compliquée pour d’autres raisons).
    Étonnant pour quelqu’un qui n’aimait pas les tatouages, je n’imagine pas un seul instant me passer de ces deux là…

  14. Jean-Claude GUERIN

    Voilà un article (un de plus) qui fait réfléchir et qui nous permet de reconnaître que nous pouvons partager autre chose entre les hommes et femmes de cette terre. Un tatouage c’est un peu de soi que l’on grave sur sa peau… c’est un message pour soi ou pour les autres (peu importe!) qui accompagne celui qui le porte tout au long de sa vie!
    Baptiste tu viens de m’ouvrir les yeux (une fois de plus) car je ne regarderai plus les tatouages (et les tatoués) comme je les regardais jusqu’à maintenant… merci!!!

  15. pfelelep

    merci pour ce tres beau texte (comme tres souvent, sur botre blog). Mon seul tatouage remonte a mes 18 ans (l’age legal, et avec le cadeau financier de mes parents, avec mon bac: j’ai fonce chez le tatoueur, a leur grand desespoir, quand ils ont realise!).
    Depuis, souvent envie d’en refaire un, mais j’ai realise qu’aucun autre tatouage ne pourra avoir la meme valeur… Donc je me cantonne au seul et unique (qui n’en a que plus de valeur).
    Vos photos sont tres belles, soit dit en passant, au plaisir de vous suivre!

  16. Lise.

    Cela fait bientôt 15 ans qu’un ange m’accompagne jour et nuit, encré (ancré) dans ma peau ….
    Ce tout petit, mon fils, le premier, né sans vie un matin de mai …

    @cath
    ce tatouage a été un élément majeur de ma reconstruction après le deuil périnatal
    ce type de deuil a ceci de particulier que, pour beaucoup, cet enfant que l”on a porté et qui est mort en nous ou quelques temps après sa naissance n’a pas “vraiment existé” ….
    la mort de son enfant laisse pourtant un tel vide, l’absence est tellement lourde alors, que ce tatouage a vraiment été pour moi un moyen d’être certaine qu’il y aurait une trace du passage de mon enfant sur Terre …. et il me fallait quelque chose que je puisse garder prêt de moi en toute circonstance …
    le tatouage a permis de mettre en place un lien de proximité avec cet enfant disparu ….
    et sois rassurée, se faire tatouer n’est pas du tout une expérience abominablement douloureuse, loin de là ! 😉

    @bibi
    je suis immensément contente de te savoir heureux …
    je n’ai pas encore pu récupérer la dédicace auprès de ma môman à moi, mais j’ai hâte !

    plein de belles choses à vous tous

  17. Saaremaa

    Merci.
    Heureuse de voir certains changements de point de vue, c’est précieux. Les tatouages ont des sens et des objectifs différents pour chacun et chacune. J’en ai 3 aujourd’hui, un tatouage par envie, symbole de jeunesse et de fougue.
    Un par amour pour que mon père puisse encore me guider et me pousser vers l’avant, dans cet arbre de vie niché entre mes omoplates.
    Et le tatouage qui m’a sauvé la vie, sur les reins et le bas de mon dos. Violée à 17 ans lors de ma 1ere fois, puis par plusieurs autres hommes dans les semaines qui suivirent, j’avais appris à n’être rien, à ne pas m’appartenir, puisque mon corps n’était pas mien. Puisque ma volonté et mon consentement n’était pas importants, pas pris en compte même exprimés, je me pliais sans résistance à ceux qui s’imposaient à moi. Dépression, pulsions de suicide, autodestruction…
    Jusqu’à ce déclic, à 23 ans, où j’ai choisi de suivre mon envie profonde et de tatouer sur le bas de mon dos ce symbole magique. Et là, durant les 4h de travail du tatoueur, dans l’encre et le sang et la douleur, j’ai reconquis mon corps, comme une bataille contre les douleurs et les contacts qu’on m’avait imposés. Et je me suis fait la promesse que plus jamais on ne s’imposerait à moi.
    Ces marques noires dans mon dos, (des ouïes de contrebasse) me soutiennent et m’ont sauvée de cette douleur. Elles ont été le 1er pas et le symbole de ma renaissance. Aujourd’hui à 30 ans passés, j’aime, je vis et je suis sereine.
    Merci beaucoup, pour ce texte et pour beaucoup d’autres, pour vos mots et votre bonté, pour l’amour et pour l’espoir.

  18. Saaremaa

    Merci.
    Heureuse de voir certains changements de point de vue, c’est précieux. Les tatouages ont des sens et des objectifs différents pour chacun et chacune. J’en ai 3 aujourd’hui, un tatouage par envie, symbole de jeunesse et de fougue.
    Un par amour pour que mon père puisse encore me guider et me pousser vers l’avant, dans cet arbre de vie niché entre mes omoplates.
    Et le tatouage qui m’a sauvé la vie.

    Violée à 17 ans lors de ma 1ere fois, puis par plusieurs autres hommes dans les semaines qui suivirent, j’avais appris à n’être rien, à ne pas m’appartenir, puisque mon corps n’était pas mien. Puisque ma volonté et mon consentement n’était pas importants, pas pris en compte même exprimés, je me pliais sans résistance à ceux qui s’imposaient à moi. Encore et encore. Situations différentes, même résultat. Comment dire non, pourquoi le dire quand on sait qu’il ne sera pas respecté…
    Je me hais, je voudrais me détruire, disparaître…

    Jusqu’à ce déclic, à 23 ans, où j’ai choisi de suivre cette idée saugrenue et subite et de tatouer sur le bas de mon dos ce symbole magique.
    Et là, durant les 4h de travail du tatoueur, dans l’encre et le sang et la douleur, j’ai reconquis mon corps. Comme une bataille contre les douleurs et les contacts qu’on m’avait imposés. Je me le suis réapproprié et me suis fait la promesse que plus jamais on ne s’imposerait à moi, que plus jamais on ne me toucherait sans ma volonté.
    Promesse tenue.
    Ces dessins dans mon dos, (des ouïes de contrebasse) me soutiennent et m’ont sauvée de cette douleur. Elles ont été le 1er pas et le symbole de ma renaissance. Aujourd’hui à 30 ans passés, j’aime, je vis et je suis sereine. J’ai des projets et des désirs et je n’ai plus peur de dire non. Et j’aime mon corps et ma peau sous la beauté de ces images.

    Merci beaucoup, pour ce texte et pour beaucoup d’autres, pour vos mots et votre bonté, pour l’amour et pour l’espoir.

  19. marie

    Avant jadis il y a fort fort longtemps le tatouage était acte de reconnaissance des parias des pirates,” des navires enluminés en partance pour la mer d’échines , le bicep en coeur de roses ”à ma maman”
    Parfois des réminiscences, une colombe peaceful sur le front, un espiègle dauphin dans le creux des reins…
    arch!
    Le temps passe
    la ride perfide te plaque l’albatros frontal et la baleine dorsale
    Les tatous ne vont pas avec âge

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