Alors voilà Mme T., 87 ans, chute dans les escaliers.
Crac ! Luxation de hanche, réduite aux urgences, une simple surveillance à la maison suffira, imagerie dans quelques jours.
Toute molle dans son brancard, ses deux filles autour et, l’une après l’autre, de dire DEVANT ELLE d’un ton catégorique :
– On va PAS la garder ! On a des choses à faire… Vous pouvez pas nous la prendre ?
J’hésite entre les gifler ou leur dire que l’hôpital public n’est pas un hôtel. Au final, je me tourne vers Mme T., et lui demande si elle a mal :
– Oui.
Comme je ne sais pas si elle parle de la hanche ou du cœur, et que je ne peux rien pour le cœur, je lui ramène un antalgique et me bats pour lui trouver une place dans les étages.
Même dans le plus petit service du plus petit hôpital public, je trouverai des aides soignants et des infirmiers mieux outillés pour la compassion que les filles de Mme. T.
Je déteste les familles qui ont “des choses à faire” quand l’un des leurs est malade, je veux dire : je déteste VRAIMENT…
( Deux jours plus tard, dans le couloir : une des filles de Mme.T.
Elle m’arrête, a senti mon trouble l’autre jour, elle m’apprend comment leur mère les a percluses de coups pendant des années.)
J’aime la première phrase d’Anna Karénine, je veux dire : j’aime VRAIMENT la première phrase d’Anna Karénine.
“Toutes les familles heureuses se ressemblent ; chaque famille malheureuse est malheureuse à sa manière.”
L. Tolstoï, Anna Karénine.
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Sans vouloir les défendre, c’est dur d’avoir des parents dont on doit s’occuper…
Mais c’est encore plus dur quand ces parents ne sont plus là, et qu’il ne nous reste que des regrets quand on repense à la manière dont on les a traité, parce qu’on avait “trop de choses à faire”…
En attendant d’avoir le livre, je relis certaines des histoires, et j’en profite pour laisser quelques commentaires, à froid, une fois l’histoire bien digérée depuis un moment.
“Il est aussi très difficile d’arriver à faire preuve de compassion pour un parent qui lui n’en a jamais eu … il est très difficile pour un enfant de donner à son parent ce que ce même parent n’a jamais donné lorsqu’il le devait : de l’amour, de la chaleur, de l’humanité … Et, même si cela parait dur, ces deux filles ont fait ce qu’il fallait pour leur mère : la laisser dans un service hospitalier où elle recevrait tous les soins dont elle a besoin … A leur façon, elles ont fait montrer plus de compassion à l’égard de leur mère que celle-ci n’en a eu pour elles apparamment … c’est triste … Pour ces filles, pour cette mère, et pour tout ce qu’elles ont perdues ou pas eus ensembles … quel dommage, et quel gâchis surtout …”
On n’est pas obligé d’aimer ses parents. Et lorsque l’amour n’est pas là, il ne reste que le devoir …
Quelle phrase admirable. C’est très exactement ce que j’ai vécu. Ayant été une enfant battue, j’ai tenue à m’occuper de ma mère jusqu’à son décès car d’instinct je sentais que cela m’aiderait à rester debout et humain.
c’est difficile de s’occuper d’une mère qui ne s’est pas occupé de vous : c’est difficile de rendre à sa mère l’amour qu’elle ne vous a pas donné