Archives de l’auteur : Baptiste Beaulieu

L’homme qui savait compter.

Merci beaucoup à l’équipe éditoriale d’AuFéminin.com pour leur très bel article sur le ROMAN :

http://www.aufeminin.com/livres-a-lire/5-bonnes-raisons-d-offrir-alors-voila-pour-noel-s223322.html

Et dans Psychologie Magazine :

ICI

Vous me faites un beau cadeau !

L’homme qui savait compter.

L’histoire c’est I. l’écriture c’est moi. Juste merci !

Pour raconter ou me contacter, c’est ICI

Alors voilà PaPi Laclasse, plutôt élégant sous son pyjama Damart bleu en velours. Il a des pantoufles noires, des yeux très verts. Il n’a plus beaucoup de cheveux et, sous son crâne, ses souvenirs s’envolent comme des grains de pissenlit malmenés par le vent d’autan.
Sa lande capillaire côtoie un disque dur déserté : avec l’âge, se rappeler est devenu une bataille de tous les jours. Chez PaPi Laclasse le Waterloo final a déjà eu lieu il y a longtemps et ses souvenirs étaient dans le mauvais camp ( celui où la retraite de Russie se nomme “Chambre 7” et ressemble à un petit établissement pour personne âgée dépendante.)
– Tagada Pouêt Pouêt !!!! hurle-t-il à longueur de journée.
Très agité, M. Laclasse, une vraie pile électrique, rien à voir avec la batterie d’un iphone : lui, il dure…. Et que je mélange les classeurs des infirmières, et que je fugue de l’hôpital, et que je joue de la trompette imaginaire sur le bureau de la cadre, etc.
– Tagada Pouêt Pouêt !!!!
Il est inépuisable et épuisant.
– Tagada Pouêt Pouêt !!!!
Un jour, I., l’infirmière, a une idée :
– M. Laclasse : asseyez-vous là et comptez jusqu’à 10 000.
Me Laclasse s’exécute : 1,2,3,4,5,6,7,8,9,10,11,12,13,14,15… ( j’arrête là, vous avez compris… Vous pouvez continuer, mais vous rateriez la fin de l’histoire, alors je vous mâche le travail : 9 998, 9 999, 10 000 !)
3 jours de calme pour l’équipe. On ouvrirait pas le champagne en chantant “Mazel tov”, mais presque !
Puis, fin de la lune de miel et rebelote : classeurs, fugue, cornemuse, cor de chasse, tagada-tsouin-tsouin.
L’infirmière :
– Si vous calculiez les décimales de Pi ?
Sésame ouvre-toi, Effet immédiat, mot magique, abracadabra, Shazam : PaPi Laclasse s’asseoit, gratte son vieux crâne pelé. Muni d’un stylo, il entame le calcul le plus looooooooooooooong du monde :
– 3,14159…
Il ne se souvient plus du nom de sa fille, mais les calculs, ça oui, il connaît. Et il compte. Assis sur son petit fauteuil rembourré, il compte. Parce qu’il aime vraiment ça, les chiffres. C’est un peu sa vie, les chiffres… Il y a longtemps, bien avant la dernière et grande bataille de Russie, il était professeur de Mathématiques à l’université.

J’ai oublié mon temps, et ses lieux…
[…]
Mais le soir quelques fois, des jeunes filles dansaient.

B. Scott

Tagada Pouêt Pouêt.

PaPi Laclasse

L’art de l’esquive par les carabins.

Pour Mathilde, Joris et Samuel. Parce que je suis devenu vieux, maintenant…

Alors voilà, déjeuner au restaurant universitaire. Trois filles, trois garçons. Tous externes. Il y a du gingembre au menu.
– J’ai vu un patient ce matin, pour une urétrite. Écoutez, d’un point de vue STRICTEMENT anatomique, je n’avais jamais vu un engin pareil. Genre gourdin préhistorique. Rien que le prépuce devait faire 3 kilos 2 : une minerve pour bébé !
– T’exagères pas un peu là ?
– Non. Même que, quand il a une érection, il fait une syncope, je t’assure.
– Et son urétrite ? C’était quoi ?
[ vous remarquerez : il y a toujours un rabat-joie pour remettre le train d’une conversation passionnante sur les rails de détails bassement médicaux. Pfffff ! ]
– Un gonocoque. Il a chopé ça avec sa secrétaire.
– Trop bon le gratin de pâtes d’aujourd’hui !
[vous remarquerez ensuite : il y a toujours un autre rabat-joie plus concerné par son ventre que par la bagatelle…]
– Saviez-vous qu’à l’époque, on n’avait pas de curette de prélèvement alors on introduisait de petits parasols métalliques dans l’urètre, on ouvrait les baleines de l’appareil en grand et on raclait les bord ?
– T’es vraiment dégueulasse, tu sais ? Passe-moi le ketchup.
– Ben c’est pas ma faute si on faisait comme ça à l’époque ! Tiens, v’là ton ketchup.
– Combien ?
– Combien quoi ?
– Combien vous faites, les mecs ?
[ Oui, je sais, toutes les tables de tous les restaurants universitaires ont droit régulièrement à leur concours de b…s]
Grand silence, personne ne s’avance. Je dis en riant :
– Nota pour plus tard : aller à la papeterie acheter un double-décimètre !
Un ami dit en riant :
– Nota pour plus tard : contrairement à B., acheter plutôt un triple-décimètre.
Une de nos trois copines, taquine :
– Allez quoi ! Balancez, les gars !
Nous, en chœur :
– Ah ben non, mais c’est pas la taille qui compte.
Elle :
– C’est l’épaisseur.
Et la troisième, la plus discrète de toutes, celle qui ne parle jamais sans une EXCELLENTE raison de le faire, d’ajouter devant nos yeux effarés :
– Non, c’est le goût.

Fin des pâtes au gratin.
Pause café et mots croisés du 20 minutes, une amie s’isole. Son patient est mort ce matin. Il avait 6 ans. Personne ne veut la déranger. Ou alors on a peur, je ne sais pas. Et peut-être qu’on ne veut pas l’écouter.
Les concours de bites, c’est pratique, ça masque tout. Vraiment.

Quand on aura allégé le plus possible les servitudes inutiles, évité les malheurs non nécessaires, il restera toujours, pour tenir en haleine les vertus héroïques de l’homme, la longue série des maux véritables, la mort, la vieillesse, les maladies non guérissables, l’amour non partagé, l’amitié rejetée ou trahie, la médiocrité d’une vie moins vaste que nos projets et plus terne que nos songes : tous les malheurs causés par la divine nature des choses.

Marguerite Yourcenar

Hein ?

Nabilla, les anges de la télé-réalité 17.

Le gamin qui avait eu peur du gros chat.

Pour Arun, souvenir de l’Inde

Alors voilà, sur la route de Nagore, quelque part en Inde Orientale à deux pas de la baie du Bengale. Un village, jour de marché : houle dense, myriade d’échoppes, brouhaha sans fin. Comme une fièvre qui s’appellerait la vie. Je suis en plein dedans, avec des fleurs, aussi. C’est important, les fleurs. Les fleurs et les femmes.
Sans leur exubérance, sans l’infinie diversité des saris lumineux, sans la richesse des décors théâtralisés par le soleil des Indes Mystérieuses, on ne verrait que la décrépitude des maisons rongées par la mousson, les tas d’immondices, la précarité des routes défoncées, l’âcreté d’une poussière souveraine.

Soudain, entre deux tubéreuses, un homme engendré par le flot de la foule s’avance. Mieux, il se poétise : son corps et son visage informes deviennent autres. Ce n’est pas qu’il est torturé d’énormes protubérances violacées, non, ce n’est pas qu’il souffre de neurofibromatose ou d’une autre maladie étrange et rare, non, non et non. On ne me fera pas croire cela.
C’est qu’il est fils du Pin et du Frêne, Homme-Chêne échappé des forêts où rode la mort tigrée. Il a, au bout des bras, deux souches d’arbre très rondes, l’écorce y est noueuse et millénaire, ponctuée de mousses et de girolles.
Notre guide lève un sourcil et, très docte, il confesse :
– Quand il était gamin, cet homme s’est perdu dans les bois. Effrayé par les bruits, il a souhaité se changer en arbre pour échapper au gros chat mangeur d’hommes.
Il secoue la tête, montre le ciel du doigt :
– Méfions-nous de nos souhaits, ils pourraient être entendus… Et exaucés !
L’homme-Chêne passe lentement, le pas de ses racines est lourd, il fait un bruit de vieille charpente quand il marche.
Une enfant, à la longue crinière d’ébène, chante à son bras.
C’est un son clair, vraiment très aigu.
Cette enfant près de cet homme, c’est un pinson à tête noire sur un rameau très sec.
Et l’oiseau se tient au plus près de sa branche.

– Tu le sais ? N’est-ce pas ? Tu le sais ? La pierre. L’air. La peau.
– Quoi ?
– Tu le sais.
– Le secret ?
– Voilà. Tu vois bien que tu le savais.

B. Scott

Nota : pour la photo, on m’a dit qu’elle était “dégoûtante”. Je l’ai changée. Je ne voulais pas choquer. Puis je l’ai remise. D’abord parce qu’on me l’a demandé et parce que c’est mon site : je fais ce que je veux. Ensuite, parce que je suis un enfant de notre société moderne, je porte le poids de l’importance du regard de l’autre. Mais cet homme est beau. Il y a quelque chose du domaine de la grâce chez lui. Cela dérange ? Je m’en excuse. Mais, si je me censurais, ce ne serait plus moi. Cette photo, éminemment mythologique au sens ovidien du terme, est pleine de tendresse. Si je la supprimais parce que certains la trouvent “dégoûtante”, ce serait comme insulter cet homme. Il n’y a rien à cacher, rien à cracher et rien à craindre. Par contre, on peut écrire un poème.
Voilà.

A propos du livre : bel article ICI
Et merci à Joséphine Bataille du Magazine La Vie pour son très bel article sur le roman.
Et merci au magazine ELLE de ce mois-ci pour la même chose !

Une famille

Une famille

Alors voilà, le médecin traitant l’a envoyée en disant :
– Elle a mal au ventre, je ne l’ai pas examinée, trop de patients, trop de retard et pas assez de temps, rappelez-moi pour me dire ce que c’est. Il était 17 heures 34 minutes 23 secondes.
Elle, elle avait 16 ans, une vie de lycéenne, un père et une mère.
L’infirmière est entrée dans la chambre, a soulevé le tee-shirt très ample, a vu l’abdomen enflé par la vie à venir, a fait sortir les parents, s’est retournée vers la gamine :
– Depuis quand es-tu enceinte ?
La jeune fille a dit que c’était impossible, que l’infirmière racontait n’importe quoi, que c’était hors de question, que son père la tuerait et que sa mère mourrait de chagrin.
[…]
Dans le hall des urgences, la mère pleure, frappe sa poitrine, griffe son visage.
Le père, lui, lève le poing très haut : contre le ciel, contre sa fille et son ventre, contre l’homme qui a fait cela avec sa fille et dans ce ventre. Il maudit le monde entier.
– Je te renie ! hurle-t-il. À partir de ce jour, tu ne porteras plus mon nom, tu ne seras plus la bienvenue sous mon toit et tu ne partageras plus notre repas. Ne reviens jamais.
Il gagne la sortie, se retourne vers son épouse :
– Tu viens ?
Sa femme le regarde, baisse la tête.
Le père claque la porte, la mère reste.
[..]
Le médecin traitant rappelle :
– Alors, ces douleurs abdominales, ça donne quoi ? C’est une appendicite ?
L’infirmière annonce :
– Non, docteur, c’est une petite fille.
[…]
Il est 19 heures 56 minutes 45 secondes.
Elle, elle a 16 ans. Elle a perdu un père, gardé une mère et gagné un enfant.

Aux Urgences, le temps passe vite, je veux dire : le temps passe vraiment très vite.

Toutes les familles heureuses se ressemblent ; chaque famille malheureuse est malheureuse à sa manière.
L. Tolstoï

Comme pour la Gay-Pride (ICI), j’ai poussé un petit coup de gueule dans le Huffington Post qui m’accueille tous les mercredi dans ses colonnes. Cela n’a pas sa place ici, mais c’est important là-bas.
Suivez le guide :

http://m.huffpost.com/fr/entry/4307777

Désolé pour les bugs de connexion, mais le site est victime de son succès (dimanche, plus de 70 000 visiteurs uniques dans la journée, un record !). La super-méga graphiste qui a créé le site est en train de fixer le problème !

Le jour où j’ai été nul entre 19h30 et 20h00

Le jour où j’ai été nul entre 19h30 et 20h00.

Alors voilà : fin de la journée, entre 19h30 et 20h00. Épuisé, lessivé, rincé, l’interne. Il y a eu du monde : de quoi remplir jusqu’au dernier étage de l’hôpital. Peut-être a-t-on mis des patients au grenier, peut-être en a-t-on descendus d’autres à la cave (un jour, je vous parlerai de cette cave et des légendes autour…).
Le gynécologue doit venir me donner son avis pour un cas compliqué. En l’attendant, je reçois une nouvelle patiente, Marguerite, 97 ans, sourde comme un pot (de fleur, évidemment). Elle ne sent plus son côté droit et chute sans cesse (copain-copain le sol !). La moitié de son visage coule comme de la cire.
Elle fait un A.V.C.G. ( Aliens Versus Chantal Goya
ou Accident Vasculaire Cérébral Gauche, en changeant beaucoup de lettres…)
La Marguerite penche. Encore du boulot pour la neurologue. Je fais mon examen scrupuleusement et adresse une petite prière au repas qui m’attend : celui de midi a eu l’idée étrange de me filer entre les doigts…
L’infirmière passe :
– Le gynéco est là, il veut te voir.
Moi, sans réfléchir un seul instant à mes paroles :
– Dis-lui que j’arrive, je finis avec l’AVC…
La patiente a la surdité sélective, son œil se tord :
– C’est moi l’AVC ?

(Non Marguerite, toi, tu es une fleur fanée arrivée à la fin des 4 saisons de sa Vie-Valdi. Tu t’étioles)

MEA CULPA ! MEA MAXIMA, MAXIMA, MAXIMA CULPA !

Marguerite rentrera probablement chez elle en pestant contre le petit merdeux qui l’a rabaissée du rang d’être humain à celui d’obstruction aiguë de l’artère sylvienne courant gaiement le long de son hémisphère gauche.
Son point de vue se défendra.
Au repas de Noël, elle lèvera son majeur et dira : “Vous savez, les petits zenfants, ce mec, B., l’interne qui m’a reçue, c’est pire qu’un trou du cul : c’est une MALADIE du trou du cul !”
(((( Oui, avant la retraite, Marguerite conduisait des trente six tonnes en fumant des havanes.))))

Parfois, les médecins oublient de mettre des gants, ou ils n’ont pas mangé, ou ils sont débordés.
Parfois, c’est plus grave que ça : ils sont cons.
Et puis, parfois, c’est compliqué : ils sont humains, mais nuls. Entre 19h30 et 20h00. Vraiment nuls.

J’entends passer le vent, et je trouve que rien que pour entendre passer le vent, il vaut la peine d’être né. Fernando Pessoa,

VERSUS :

Discussion au restaurant universitaire. Je vous laisse apprécier le trait d’esprit. Y a plus subtil, nous serons d’accord :

– Mea culpa !
– T’as qu’à consulter un urologue !

Et un super article dans “Rue 89” :
ICI

JOYEUX ANNIVERSAIRE “ALORS VOILÀ”

JOYEUX ANNIVERSAIRE “ALORS VOILÀ”

Salut à tous !
Hé vous ! On a un anniversaire à fêter !!!!!
Je veux que tout le monde chante en cœur devant son écran : JOYEUX ANNIVERSAIRE, JOYEUX ANNIVERSAIRE, JOYEUX ANNIVERSAIRE “ALORS VOILÀ”, JOYEUX ANNIVERSAIRE.
((((Ceux qui ont soufflé sur l’écran de l’ordinateur sont VRAIMENT fans !!)))))
Je profite de cette célébration délirante où l’alcool coule à grands flots virtuels pour faire quelques mises au point…
Je sais que, ces derniers temps, j’ai beaucoup parlé du livre. Trop ?
Je vais être totalement honnête avec vous : bien sûr, j’ai très envie de lui faire de la publicité, qu’il marche, qu’il se vende comme des petits pains, qu’il soit THE cadeau de Noël de l’année 2013. Pourquoi ? Parce que je l’ai écrit, tout simplement !
D’abord, je le redis (j’ai encore reçu des mails hier, alors…) vous êtes nombreux à me demander si c’est un copié/collé du blog… Ce n’est EN AUCUN CAS un copié/collé des anecdotes du blog. Mon éditrice m’a laissé toute liberté éditoriale pour vous donner à lire un VRAI roman avec une VRAIE histoire à partir des chroniques déjà sur le blog et de beaucoup d’autres inédites.
Ensuite, si je parle autant de tout ça, c’est parce qu’il y a d’autres raisons, plus importantes et moins évidentes.
Quand j’ai créé ce blog basé sur la réconciliation soignants-soignés il y a un an (allez, tous en cœur, on recommence : joyeux anniversaire, joyeux anniversaire “Alors Voilà” (1)), je ne m’attendais pas à ce qui allait arriver. Il y a des lecteurs, nombreux, présents depuis le commencement, qui m’ont toujours soutenu. C’est pour eux que je vous saoule avec les articles dans les journaux ou les séances dédicaces. Parce que cette aventure extraordinaire je veux la vivre AVEC EUX, parce que je veux les rencontrer dans les salons (comme à Brive où ça a été fantastique et Toulon ce week-end…) et leur dire de vive voix : Merci d’avoir cru à tout ça, d’avoir pensé que je ne me tuais pas au boulot pour rien (et croyez-moi j’ai bossé comme un dingue : l’hosto, mes gardes, le blog, ma thèse, le roman… c’est simple, je n’ai même pas eu le temps de tomber amoureux !).
J’espère que vous comprendrez.
C’est vraiment très dur d’exister en tant que nouvel auteur. Le marché de l’édition est saturé en France (nous sommes sans doute le pays où il y a le plus d’écrivains en herbe !). La seule chose qui permette de réussir ce sont les lecteurs et le bouche-à-oreille. La seule chose qui permette de réussir, c’est VOUS. Donc voilà, je ne vous demande pas grand chose, simplement de dire aux autres si vous avez aimé le livre… Sur FaceBook, pendant les repas entre amis, aux clubs de lecture, dans les toilettes publiques (ce qui est une forme de consécration, vous l’admettrez !).

J’ai beaucoup parlé de mon livre (trop ? parce que si je vous ai saoulés et que je dois résumer ça fera : “parlez-en sur FaceBook et au repas de Noël, siouplait !”) je vais donc vous en conseiller deux que j’ai dévorés :
– une pièce de théâtre en québécois (non ce n’est pas une blague !) : Incendies, de Wajdi Mouawad (sans doute le plus beau réquisitoire contre la guerre et les violences faites aux femmes que j’ai pu lire dans ma vie…).

Voilà, si vous avez des conseils de lectures, laissez un petit commentaire, je suis preneur ! (Je viens de finir un excellent polar : “Reflex” de Maud Mayeras, ça fait très peur et ça c’est un sentiment délicieux. )

La bise !

(1) : ceux qui ont encore soufflé sur l’écran devraient consulter. Suivez le lien ICI, ils reçoivent toute l’année. Tenez le coup, les premières 24 heures sont les plus dures !

Je vous en supplie, faites quelque chose, apprenez un pas, une danse. Quelque chose qui vous justifie, qui vous donne le droit d’être habillés de votre peau.
Apprenez à marcher et à rire parce que ce serait trop bête à la fin que tant soient morts et que vous viviez sans rien faire de votre vie.

Charlotte Delbo.

Ça roule, ma poule !
BB

Madame Ouille et la boîte à musique

Bonjour à toutes et tous ! D’abord, JOIE ! Il y a un excellent article sur le roman et il est dans… Le Monde ! Il est disponible ICI.
Ces choses-là n’arrivent pas tous les jours dans la vie d’un auteur, ce soir c’est champagne !
Comme je soutiens le combat des collègues sages-femmes, mais que je manquais d’anecdotes les concernant (Appel d’offre ! Appel d’offre !), Agnès Ledig, sage-femme ET écrivain (suivez le guide ICI !) m’a fait la gentillesse de m’écrire le texte d’aujourd’hui. Elle avait carte blanche et je n’ai touché à rien du tout. Je la remercie.
L’histoire, c’est Agnès Ledig, l’écriture c’est aussi elle.
Juste merci !
À demain,
B.B.

Madame Ouille et la boîte à musique.

Alors voilà ! Personne ne le sait, mais les sages-femmes ne font pas que des accouchements, elles pratiquent la contraception aussi. On aide les femmes à donner la vie, quand elles en ont envie ! Pour mener à bien une consultation de contraception, mon maître m‘a appris à BERCER. Ça tombe bien, j‘adore ça (j‘ai tellement bercé mes enfants petits, qu‘une fois grands, je me suis retrouvée à me bercer toute seule sur le quai d‘une gare ou dans la file du supermarché). En médecine, BERCER veut dire Bienvenue Entretien Renseignement Choix Explication Retour. Et c‘est bien connu, non ?! : La-meilleure-contraception-c‘est-celle-que-l‘on-choisit. C‘est comme Cinq-fruits-et-légumes-par-jour, ou Les-antibiotiques-c‘est-pas-automatique.
Bon, pour la contraception des femmes, malheureusement, leur choix n‘est pas toujours automatique.
Après avoir bercé Madame Ouille, jeune accouchée de quelques mois, le «C» s‘est transformé en stérilet (DIU pour les initiés). Le seul gros, très gros problème, c‘est que ses copines l‘avaient prévenue : «ça fait super mal de poser un stérilet, tu verras !!! ». Elle devrait peut-être changer de copines, (mais c‘est une autre histoire). Elle est donc arrivée tremblante mais déterminée. Mais tremblante…
Je la comprends, j‘ai moi-même sauté au plafond, un jour, quand on me trifouillait les entrailles pour m‘éviter un bébé dont je n‘aurais pas eu envie. Tellement mal que je prends mille précautions de douceur pour ne pas reproduire. Ça aussi c‘est bien connu, quand on a été maltraité, deux solutions : on reproduit ou on fait tout pour ne pas reproduire.
Elle avait son bébé avec elle, ce jour là. Elles s‘installent, l‘une dans le transat, l‘autre sur la table gynéco (violette, la table gynéco, parce que la couleur est déjà un peu antalgique – un truc de filles, que les hommes ont du mal à comprendre). Je lui mets dans les mains une boîte à musique, pour le cas où sa fille montrerait des signes d‘impatience pendant la pose.
Elle la remonte… Diling-Diling… Je prépare mon matériel… en papotant pour la détendre…
Puis la remonte…Diling-Diling…
J‘ai bien remarqué que sa fille est parfaitement calme, et pourtant Madame Ouille remonte la boîte à musique…
Je déballe mes emballages stériles, je l‘observe, tremblante…
 Hep ! La boîte à musique s‘est arrêtée !
 Ah oui, pardon, excusez-moi !!
Diling-Diling… j‘introduis, je mesure, je papote, Diling-Diling… je trifouille ses entrailles… Diling-Diling… tout en douceur… Diling-Diling…
 Alors, vous avez encore peur d‘avoir mal, ou ça va mieux ?
 Ça va mieux, mais j‘ai encore peur, mais allez-y, hein, il faut bien ?
 C‘est déjà fini.
 C‘est vrai ? C‘est fini ? Mais je n‘ai rien senti !!!
J‘adore leur faire ce coup-là !

En refermant la porte de mon cabinet, j‘étais heureuse à plusieurs titres.
1) Madame Ouille n‘a pas eu mal.
2) Elle pourra choisir d‘avoir un bébé quand elle le souhaite, et sera bien mieux protégée qu‘une pilule qu‘on aurait choisi pour elle, et qu‘elle aurait forcément oublié de temps en temps (quand on se lève cinq fois dans la nuit pour changer les draps d‘un bébé qui a chopé la gastro, la pilule du petit matin est un grain de sable insignifiant dans l‘univers de la fatigue)
3) Elle pourra dire à ses copines « Un stérilet ? Même pas mal !»

Et puis, j‘avoue, j‘ai cette petite joie simple d‘être une sage-femme-boîte-à-musique.
Vraiment !
Diling-Diling…

La femme qui faisait des soupes.

L’histoire c’est L., l’écriture c’est moi ! Merci !
Dans la série “Fallait pas, mais on l’a fait quand même…” la suite !

Alors voilà Mme K. Elle a un mari, une petite maison, une petite voiture, un labrador et surtout, surtout elle a deux enfants :
– Je n’en veux plus, docteur. Deux, c’est déjà beaucoup.
Il lui prescrit la pilule.
Quand elle revient, six mois plus tard, enceinte jusqu’aux maxillaires supérieurs, le médecin :
– Vous aviez bien pris la pilule ?
– Mais oui, docteur, tous les soirs, à heure fixe.
[…]
Lors de sa quatrième grossesse, le docteur s’énerve un peu :
– Ce n’est pas possible, Madame K., vous ne la prenez pas !
– Mais puisque je vous dis que si ! Tous les soirs, dans la soupière.
[…]
Oui, madame K. prend la pilule tous les soirs.
Dans la soupe.
Ils sont quatre à la prendre :
Madame, Monsieur, et les deux bambins.

La pilule, c’est comme une brosse à dents, une capote ou un YOP : ça ne se partage pas, je veux dire, cela ne se partage vraiment pas !

Un idéaliste est quelqu’un qui, remarquant qu’une rose sent meilleur qu’un chou, conclut qu’elle fera une meilleure soupe. »
Henri Louis Mencken

L’illusionniste.

L’illusionniste.

Pour Jeff, et les infirmier(e)s du SAU.
Et pensée pour les collègues sages-femmes, en grève aujourd’hui.

Alors voilà quelque chose qui énerve TOUS les services d’urgences du monde : ce moment où un patient verse secrètement de l’eau dans le bocal de prélèvement d’urine parce qu’il croit qu’on va scruter celle-ci à la recherche de substances illicites.

Attention (roulement de tambour), BB dénonce :

ON S’EN FOUT QUE TU AIES FUMÉ DE L’HERBE OU SNIFFÉ DE LA COLLE CLÉOPÂTRE ! On veut juste savoir si des méchantes-bébêtes-vilaines-cracras sont en train de grignoter les parois de ton urètre !

J’ai un ami infirmier, il s’appelle Mister Piano. Très futé. Et plutôt susceptible. Presque 30 ans de métier, il n’aime pas être pris pour un perdreau de l’année.
Quand il a affaire à un Timide-De-La-Substance-Illicite, il attrape le bocal rempli d’un liquide trop clair pour être honnête et dit :
– Je reviens…
Deux minutes plus tard, retour vers le patient, et là :
– Tu sais, petit, je suis un vieil infirmier. Le pipi, ça me connait. Et le tien, il n’a ni la bonne couleur, ni la bonne odeur. Mais surtout, SURTOUT, il n’a pas le bon goût !
Et de tremper son index dans le bocal à urine puis de s’en rincer joyeusement les dents.
Mister Piano, hilare, en me racontant :
– À leurs regards, je sais toujours s’ils ont triché !

Bien sûr, cette histoire serait vraiment dégoûtante si j’oubliais de préciser que Mister Piano a pris soin de changer le bocal à urine par un autre, rempli d’eau du robinet. Mais je ne l’écrirai pas : un illusionniste sincère ne révèle jamais le secret de ses camarades !

Mais toute la magie que j’ai connue, j’ai dû la faire moi-même.
Shel Silverstein.

Les personnes qui viendront aux dédicaces et diront « On attrape plus de monde en faisant des poissons d’avril au mois d’août » auront droit à un free-hug. Voilà, voilà, c’est dit.
Et merci à Annabelle F. et son très bel article sur le roman.

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La femme qui soignait.

Pour C. et V., bien sûr !

Alors voilà B.
Elle est belle, bulgare et blonde.
On aime bien parler yaourts, tous les deux. Yaourts et pro-biotiques, vous savez, ces petites bactéries, celles qui font “du bien à l’intérieur et ça se voit à l’extérieur”.
B. est Docteur en radiologie.
Parfois, je passe la saluer.
Elle me montre les examens intéressants, ceux qui pourront me servir :
– Là, on voit bien le frrracture tibiale. Là, aussi, juste sous la radius. Là, fais attention, c’est piégeur, on crroit que c’est cassé, mais c’est l’os derrière qui donne ce illusion.
[…]
– C’est nous, les Bulgarrrres, qui avons inventé le bonnes bactérrries ! Regarrrde : je mange une yogourt naturrre toutes les matins et j’ai le teint Célestin.
[…]
Hier, justement, je lui trouve le teint un peu triste. Elle tend son doigt vers l’écran :
– Ce patiente consulte aux Urgences pour maux de tête. Là, tu vois, c’est la crabe. Et là on aperrçoit les petits que la crabe a fait dans les poumons et le cerveau.
Elle indique la date de naissance en haut à droite de l’écran :
– Le patient a 31 ans.
Je lui demande si elle va bien. Elle hausse les épaules, répète :
– Le patient a 31 ans.
Elle se tait un instant, puis ajoute :
– Tu sais, après l’interrnat, je voulais être pédiatre. J’aurrais fait un sacrément bon pédiatre, oui… Sûr de sûr… J’avais obtenu un prix de pédiatrie… Puis mon fille est tombée malade. Je me suis réorientée en imagerie médicale. Je vois moins de patients, je suis moins trroublée.
J’hésite : et si je lui disais que je me tâte de plus en plus à faire de la recherche médicale. Parce que, comme elle, je n’en peux plus d’être troublé. J’aimerais lui demander si, a posteriori, elle pense que son choix était le bon.
Mais elle dit :
– Tu sais, Baptiste, on s’en fout de porrter un blouse blanche où il y a marqué “Docteur”. L’important, comme vous dites ici en France, c’est “Mettre un cœur à l’ouvrage.”
Voilà, voilà… J’ai ma (très jolie) réponse sans même avoir posé ma question !
Elle, c’est B. : blonde, belle et bulgare.
On aime bien parler yaourt, petites bêtes et fractures.
Elle est Docteur en radiologie.
Elle ne traite pas que des images.
Vraiment.

«Une image vaut mille mots.»
Confucius

“Surtout si on photographie la page d’un livre où c’est écrit tout petit et très serré.”
B.B.