Archives de l’auteur : Baptiste Beaulieu

L’homme qui avait un excédent de bagage.

L’homme qui avait un excédent de bagage.

L’histoire c’est Millie la Walkirie, l’écriture c’est moi. Merci !

Je précise : le final est authentique (mais il est aussi magique, spontané et délicieusement champêtre).

Alors voilà M. Georges Duromal, bon paysan de nos campagnes françaises.
Il est venu, seul, aux Urgences, boitant et grimaçant, tenant son entrejambe entre ses mains.
En un “maux” comme en cent : il a mal au “fond du terroir”.
Millie la Walkirie le reçoit :
– Racontez-moi !
– Boudiou ! J’étais en trrrain de rrrranger la cariole en tenue légère (entendez par là en slip), quand je me suis dit “et le rotocoupe, Georrrrges ! N’oublie pas le rotocoupe !” Cette sale bête de machine s’est rrrrremise en marrche toute seule.
Il descend son pantalon : sa jambe droite n’est qu’une immense plaie, l’appareil a tracé son sillon tout du long.
Millie s’étrangle :
– Mais vous êtes venu à pied ?!?!?!
– Et pardi, gamine ! Puisque j’ai encore la jambe !
– Ah, oui, monsieur… Pour l’instant….
– Mais ce qui me trrrracasse vraiment, c’est ça !
Il baisse son slip.
– Oh-Mon-Dieu ! hurle Millie.
[ Si tu changes beaucoup de lettres à “Oh-Mon-Dieu”, tu obtiens : “Où est passé le prépuce ???” ]
Nous avons essayé de comprendre, Millie et moi, comment seule cette délicate zone charnue a pu se faire la malle et battre la campagne… Aucune idée, mais Millie soupçonne (plus que fortement) le patient d’avoir passé sous silence une partie de sa mésaventure et même d’avoir menti sur toute la ligne.
Bref, le “rotocoupe” s’est pris pour un circonciseur en pleine cérémonie de Brit Milah…
– Mais… Mais… balbutie Millie.
– Faut pas vous biler, ma petite dame, j’ai pas mal à en crrever !
– Avez-vous récupéré le prépuce ?
– Le quoi ?
– Le bout ! Où est-il ?
– Peuchère ! Qu’est-ce que vous vouliez que j’en fasse ! Je l’ai donné aux poules !

Comme Georges, vous pouvez partager, mais sur FaceBook ou Twitter ! Hein ? Pas dans l’enclos, ni dans la basse-cour ! Parce que le prépuce c’est comme la brosse à dents, ça ne se partage pas… La bise !

Pourquoi faut-il des étudiants dans les hôpitaux ?

Photographie sublimissime de Benjamin Isidore Juveneton, Adieu et à demain.

Pourquoi faut-il des étudiants dans les hôpitaux ?

OU :

La vie en son domaine.

(((((À tous les externes qui me lisent : tenez le coup, les petits, ça en vaut vraiment la peine !)))))

Alors voilà une soirée à l’internat, beaucoup d’internes et donc beaucoup d’initiales…
M. revient de vacances :
– J’ai dégotté une recette à Majorque : du sorbet au citron…
– Du sorbet citron ? Et c’est tout ??? demande Y.
– ET DU GIN !!!!! hurle M. en sortant une bouteille de sous son manteau.
Sa recette fait fureur : de toute manière, elle a aussi acheté du Doliprane pour demain matin. Elle est Prévoyance.
J., lui, a une bonne nouvelle à célébrer, il a ramené du champagne. Il est Bonheur.
F., elle, a un chagrin d’amour à écraser. Elle est Tristesse.
Son meilleur ami, O., est venu à l’internat pour la consoler. Il est Amitié.
A. retrouve C., son fiancé. Elle ne l’a pas vu depuis deux semaines et il a débarqué sans prévenir. Elle lui saute au cou. Elle est Joie.
Un infirmier du bloc, H., fait une entrée discrète. Lui et D. s’aiment bien (je ne vous fais pas de dessins, vous aurez compris). Ils sont Timidité.
T. a quelque chose qui la démange dans le bas-ventre. Elle ramènera donc O. dans sa chambre. Elle est Désir.
J. supporte mal le champagne : il ne reprendra pas la voiture. Y. lui propose gentiment de rester dormir dans sa chambre : “Je te préviens : toi et moi, dans le même lit, il ne se passera RIEN ! Je te le PROMETS !” assure-t-il en commettant un mensonge.
J. et Y. sont deux garçons qui… Bref, ils sont Gaieté.
L. traîne un peu trop longtemps sur le canapé, avec F.
“Un peu, beaucoup, à la folie, pas du tout”, “On y va, on y va pas…” Ils sont Hésitation.

Vous perdez-vous dans les initiales ? Dans les noms communs ? C’est normal. Cette soirée-là, tout le monde s’est perdu dans les chambres. L’alphabet entier s’est mélangé. On a joué au Scrabble en poussant jetons sur jetons, mots d’amour comptent triple, petits soupirs et longs gémissements. Avec des Z, des W et beaucoup de X.
Le lendemain, les internes étaient fatigués, mais ils avaient un sourire idiot flottant sur les lèvres.

Ce sourire niais, je le prends pour quelque chose d’infiniment précieux. Il me rappelle une vérité essentielle : les murs de l’hôpital n’appartiennent pas qu’à la Maladie, la Mort, la Douleur, l’Odeur de pisse froide et d’antiseptique. Il y a aussi la Vie. Elle bouillonne, elle court, elle est folle, elle DÉBORDE TOUT et rien ne peut lutter contre elle. Elle est là, à l’hôpital, en son domaine.
Voilà -vraiment- pourquoi il faudra toujours des Étudiants dans les hôpitaux.

Le Secret de Birdy.

Illustration : Claire Pétry, http://overthetree.free.fr

Le secret de Birdy.

Alors voilà Birdy, la Mamie-Qui-Saute. Elle a 84 ans et vient aux urgences 2 à 3 fois par mois.
Souvent, rien de grave : plaie du coude, des genoux, hématome par-ci, estafilade par-là…
Parfois, c’est beaucoup plus emmerdant (luxation des épaules, fracture fémorale bilatérale, etc).
Il faut dire que Birdy vit dangereusement : elle saute. À cause de la démence sénile qui la frappe, elle a développé cette manie saugrenue et incompréhensible : elle saute. Dès qu’elle le peut, elle échappe aux surveillants, cherche un endroit suffisamment élevé puis prend le peu d’élan que ses pauvres jambes ont à offrir.
À la maison de retraite, ils l’ont mise au RDC.
Aucun effet : elle a fait ça du haut des escaliers. Quatre marches, certes, mais cela a suffi… Il en va des Hommes comme des pommes : trop mûrs, ils tombent. Bien sûr, vous ne verrez jamais une Granny Smith hospitalisée pour luxation de hanche bilatérale. Miss Birdy, elle, oui…
À chaque hospitalisation, j’ai vu passer la gériatre. J’ai pensé lui demander si Birdy fuse parce qu’elle veut mourir ou, plus simplement, parce qu’elle trouve une consolation dans l’idée qu’à force de s’élancer elle finira par décoller et s’envoler loin d’ici. Un jour, elle disparaîtra : elle ne sera pas morte, non, elle jouera les chefs d’escadrille auprès d’une bande de canards sauvages. Peut-être même, lors d’une nuit de pleine lune, son ombre portée passera sur moi. Je lèverai la tête : loin, là-haut, je la verrai glisser devant l’astre lunaire, avec sa robe de chambre couleur lilas flottant derrière elle.
Je pourrais poser la question à la gériatre…
J’ai peur de sa réponse, alors je me dis : ” la deuxième raison est la bonne. “
Oui, je suis sûr que la deuxième raison est VRAIMENT la bonne.

“S’il te plaît, dessine moi un mouton.”
Antoine de saint Exupéry, Le petit prince.

“Un mouton, je sais pas, mais une Mamie qui s’envole je peux faire.”
Claire Pétry (que je remercie d’avoir illustré mon texte. Son coup de crayon est génial et il est ici...)

Si vous voulez proposer d’illustrer un article, c’est là !

Le Livre est là !

Salut à tous !

Tout est dans le titre, le livre arrive et j’en parle ici !

Bonne journée à tous,

Prenez soin de vous (5 fruits et légumes par jour, pas trop de sel, pas trop de sucre, etc.).

Baptiste B.

P.S. : pas mal de gens ont raté l’à-propos, il est dans le menu, ou ici !

P. S : Bien sûr le blog continue, je prends juste quelques jours pour terminer ma thèse… La soutenance est dans trois semaines…. Stress…

Tu sais comment est mort le Cap’tain Crochet ?

L’histoire, c’est Chef Pocahontas, THE Terminator Of The Death de nos Urgences : là où elle passe, aucun mourant ne trépasse ! Je pourrais vous dire beaucoup de choses sur elle. Résumons ainsi : les internes lui confieraient leurs vies sans hésiter une seconde. Parce qu’elle est juste INCROYABLE.
L’écriture c’est moi. Merci !

Alors voilà, il y a des moments dans la vie qui requièrent une attention plus soutenue de notre part.
Par exemple ? Élaguer une branche de pommier haute de 3 mètres à grands coups de scie électrique. On ne reproche pas à M. Crochet d’avoir manqué de concentration, mais d’avoir manqué de réflexion.
Il y a :
– M. Crochet, en haut de son échelle branlante, tronçonneuse multi-chaînes à la main, branche rebelle en face de lui,
– accrochée au pied de l’escabeau, Plume, sa jeune chienne, beau bébé en pleine chaleur.
La leçon à retenir ? Ne JAMAIS faire confiance à une chienne en chaleur de 42 kg…
Son maître ne voulait pas l’enfermer. Il s’est dit : “Je la garde près de moi et je m’assure qu’elle ne s’adonne pas à de canines galipettes avec quelque chien vagabond.”
Le drame était prévisible : Plomb, superbe labrador déboule au moment précis où la machine s’enclenche. Il veut faire sa fête à la demoiselle… (Plume pèse 42 kg ! Il y a des chiens kamikazes !)
Je vous facilite le travail en vous livrant la morale de cette histoire : n’attachez pas une chienne en chaleur au pied de votre échelle. Un beau mâle canin pourrait passer pas loin.
Sinon, si malgré ma présente histoire, vous persistez vraiment à n’en faire qu’à votre tête (il y a des têtus partout !!!!), il vous restera toujours le SAMU et Chef Pocahontas.

 

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Regarder l’autre.

Photographie : Rosie Hardy
http://www.rosiehardy.com/

 

Alors voilà : externat, premier contact avec des enfants, je suis en mode “Oui-Oui découvre la pédiatrie”…
Stage de néphrologie/pédo-psychiatrie (le mystère des services jumelés… Un jour, ils feront neurologie/proctologie et cela n’étonnera personne…).
J’entre dans la chambre 7, celle d’une patiente de 12 ans, je me présente, commence à rassembler les données.
Ma première erreur ? J’aurais dû lire le dossier avant d’entrer…
– Je suis ici, dit-elle un peu honteuse, car depuis le mois d’août je mouille mon lit la nuit.
Oui-Oui met les pieds dans le plat :
– Que s’est-il passé cet été ?
– Mon père a obtenu une garde alternée. Je ne le voyais plus depuis plusieurs années et du jour au lendemain, j’ai été obligée de passer les week-ends chez lui.
Oui-Oui prend une pelle et creuse son trou :
– Tu n’as pas de bons rapports avec lui ?
Haussement d’épaules :
– Il m’a violée quand j’avais 4 ans.

[ Bon là, Oui-oui n’en menait pas large. C’est assez violent, hein ? ]

– Attends une seconde, je reviens.
Je sors, me jette à la gorge de l’infirmière.
Elle :
– Ah oui, j’aurais dû penser à te le dire.
Exact, mais c’est aussi un peu-beaucoup-énormément de ma faute : c’est écrit dans le dossier…
Les jours suivants, j’explique à sa mère inquiète où nous en sommes des examens.
Son père aussi vient la voir : il a l’air inconsolable, le Padre, inconsolable comme une Piéta piétinée.
Il me voit, me salue.
Moi, je le regarde.
Je ne fais rien de plus.
Juste fixer cet homme triste droit dans les yeux.

(((((( Oui-Oui apprendra à ne pas juger, mais à l’époque, il est jeune et ne pas juger demande un peu de bouteille…)))))

Si je vous raconte cette anecdote, c’est parce que l’évaluation psychiatrique tombe quelques jours plus tard. La psy est formelle, son jugement catégorique : sous la pression de la mère, la gamine a tout inventé lors du divorce de ses parents.
[…]
Le père revient.
Il me voit, me salue.
Je le vois, le salue.
Je ne fais rien de plus.

Je crois que je ne saurai jamais vraiment comment regarder l’Autre. Mais j’apprends.
C’est mon métier : regarder l’Autre.

La femme qui avait le sens pratique.

Aujourd’hui, je mets nos confrères chirurgiens dentistes à l’honneur !

L’histoire est de J. chirurgien dentiste et jeune retraité, l’écriture c’est moi. Merci !

Alors voilà Mme Chopard : il FAUT toujours la recevoir en urgence et elle rate, toujours, la moitié de ses rendez-vous.
Ce matin-là, salle d’attente comble avant les fêtes de Noël, elle appelle :
– Je souffre le maaaartyre ! Il faut me voir de suite !!!!
J. accepte.
Une demi-heure plus tard, Mme Chopard rappelle, elle n’a pas envie de sortir :
– Il fait troooop froid.
Ah ben oui, madame, c’est souvent le cas, à Noël…
Finalement, elle vient quand même et jette sur le comptoir le bridge de son époux défunt, caillou macabre aux éclats d’or et d’émail mêlés.
Elle a du style, Mme C., et de la classe :
– Il est cher ce ratelier ? Mon fils est un peu juste en ce moment et, au cours actuel de l’or, ça vaut pt’être le coup de mettre ce truc au pied du sapin.
Visages médusés des autres patients.
Le dentiste, lui, se demande si le dentier a fait l’objet d’une extraction ante ou post-mortem.
Puis il pense à la bijoutière du coin de la rue : elle est l’heureuse propriétaire d’un bichon maltais qui honore de son urine la porte du cabinet avec la régularité d’un coucou suisse.
Alors il dit :
– Je ne sais pas, madame, mais la bijoutière vous le dira mieux que moi… D’ailleurs, je vous conseille de le lui exposer ainsi, comme vous le faites là, en pleine lumière. C’est son domaine, l’or, et surtout, insistez bien, ne lâchez pas le morceau : je la connais, elle va faire la fine bouche pour dévaluer la marchandise. Elle a la dent dure.”

Noël, c’est chouette, une occasion de faire des cadeaux vraiment uniques !

On baptise !

Quand Benjamin et Isidore Juveneton te demandent d’écrire un texte pour eux, tu le fais. Parce qu’ils sont géniaux et que, dans dix ans, quand ils seront au MOMA, tu seras bien content qu’ils te griffonnent une colombe sur un coin de nappe.
J’avais envie de baptiser le nouveau site. J’ai jeté une bouteille de champagne sur l’écran de l’ordinateur. J’ai perdu un ordinateur et une bouteille de champagne.
Alors samedi j’ai réfléchi en boite et, grand amoureux de l’Inde, j’ai écrit ça pendant que je dansais :

http://adieu-et-a-demain.fr/post/61396586435/mahabharata

Je vous propose de le lire en écoutant cela :

http://youtu.be/aKw5mbcE7VY

Je ne sais pas ce que ce texte signifie, je ne sais pas pourquoi il m’obsède, ni d’où me vient le besoin de le réécrire sans cesse, mais je sais que sa lecture me fait un bien inexplicable (genre séance de kama-sutra tantrique sous kétamine avec l’épisode VII de Star Wars projeté en exclusivité au plafond).

Ne parlant pas sanskrit (un bon à rien, je vous dis, un vrai bon à rien !) je me suis inspiré de la traduction magnifique du MAHĀBHĀRATA par l’admirable J.C. Carrière.

La photo d’aujourd’hui vient de l’ancien site Alors Voilà, je l’ai prise lors d’une de mes pérégrinations au pays de Ganesh, à Pondichéry. Ce sera le lien entre l’ancien et le nouveau site. C’est bien, pour un baptême.

J’ai supprimé les mentions “J’aime”, trop de pression pour moi… Le problème de police sera réglé dès que je peux. Beaucoup de choses à gérer en ce moment !

P.S. : je reviens dans la semaine avec une anecdote. En attendant, je remercie encore E. du travail fantastique qu’elle a fait en créant mon site. Merci à elle !

http://www.mayelle-graphiste.com/

(((((( Parenthèses entre parenthèses : tous vos mails et vos commentaires… C’est un peu compliqué, ce qui se passe. Le succès de ce blog est la meilleure chose qui me soit arrivée depuis très longtemps dans la vie (et croyez-moi, je pèse mes mots en écrivant ça). Il est inattendu, comme les critiques qui vont avec. Je ne suis pas bien outillé pour. Alors voilà : merci, vraiment !))))

Vieille du seigneur.

Vieille du seigneur.

L’histoire c’est Chef Robin, un ami, l’écriture c’est moi. Merci !

Pour raconter :
http://alorsvoila.centerblog.net/contact.html

Alors voilà Chef Robin qui entre dans la chambre du vieux Solal.
Solal vient d’être hospitalisé pour un infarctus. Il a 86 ans. Sa femme, Ariane, en a 87.

Elle lui tient la main, elle paraît aussi pâle qu’une statue de plâtre.
Chef Robin :
– Vous allez bien, madame ?
– Je ne sais pas. Je suis entrée, je l’ai vu là, sur son lit, avec ses perfusions et son air malade… et d’un seul coup, je me suis sentie très abattue.
L’épouse mâchonne ses mots : ils sortent de travers. Elle s’exprime comme un vieux cubain sous un porche, un gros havane dans la bouche.
Le cigare d’Ariane, c’est une longue langue rose déviée sur le côté.
– Vous parlez toujours comme cela ? Avec les lèvres en biais ?
– Non.
Elle tourne la tête vers son vieux :
– Là, je suis immensément fatiguée.
– Serrez-moi la main, madame.
Elle serre la main droite, n’arrive pas à soulever la gauche.
– Et vos jambes ? Levez-les.
Idem.
– Ne bougez pas, je reviens.
Chef Robin sort dans le couloir, attrape une infirmière :
– Va chercher le neuro, vite ! Sa femme fait un AVC de stress !
[…]
Solal est sorti de l’hôpital deux semaines après.
Seul.

Je n’aime pas le Petit Dieu des Vieux Amoureux, je veux dire : je n’aime VRAIMENT pas le Petit Dieu des Vieux Amoureux.

“J’aime les femmes, mais je ne leur pardonnerai jamais d’aimer les hommes.”
Albert Cohen, Belle du Seigneur

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La petite fille à qui on la fit courte.

(2 000 000 de visiteurs depuis novembre 2012… J’avais écrit un texte pour ça, pour vous remercier, un texte où je vous disais le pourquoi du comment j’ai décidé de raconter ce qui se passe dans nos hôpitaux. Le texte était beau, mais il était trop intime. Je le mettrai plus tard. Je vous raconterai toute l’histoire. Ou pas. On verra.
Merci, du fond du cœur…)

La petite fille à qui on la fit courte.

Texte dédié à Sissi. Forgive me…
Ou comment j’ai, un jour de mon externat, torturé une gamine de 4 ans. Pardon Sissi !

Alors voilà Sissi, 4 ans. Elle est tombée contre un coin de meuble, plaie de l’arcade.
(Pour les adeptes de la théorie du complot, Bibi dénonce : oui, nous, les médecins, avons passé un pacte secret avec Ikea et Conforama. Ils fournissent l’arme du crime, nous fournissons l’antidote. Et je ne vous parle même pas de nos contrats avec les marques de chaussures de sport : comment croyez-vous que surviennent les entorses de cheville ?)
Donc Sissi, sa plaie de l’arcade et moi :
– N’aie pas peur Sissi, on ne va pas faire de points de suture. On va utiliser une colle BIOLOGIQUE.
Devant ses yeux ébahis, je me fais prestidigitateur de cabaret et je balance :
– Si tu changes beaucoup de lettres à BIOLOGIQUE ça fait SUPER COLLE-MAGIQUE !
((((( Parenthèses entre parenthèses : j’aurais dû mettre un peu moins d’entrain à ma phrase…)))))
Effectivement, la colle biologique, c’est magique. Ça colle tout. Même les paupières supérieures et inférieures entre elles…
Résumons : la colle ça coule et colle et ça c’est pas cool cool si ça scelle ses cils à Sissi.
((((( si tu arrives à dire cinq fois sept fois cette phrase sans postillonner sur ton voisin, tu peux t’inscrire au cours Florent))))).
Dans ma tête : “et merde, elle n’arrive plus à ouvrir son œil.”
La petite Sissi :
– Papa ! Je n’arrive plus à ouvrir mon œil !
Elle pleure. Ses larmes sont piégées sous mon travail de sagouin. Dieu merci : la peau n’est pas collée, seuls les cils sont touchés.
L’urgence est mauvaise conseillère… J’essaie un peu d’acétone… mauvaise pioche ! L’acétone ! Sur une peau aussi fine que la paupière ! Et le globe oculaire juste dessous !
Nouveaux hurlements.
J’attrape une paire de ciseaux en me demandant combien de temps les cils mettent à repousser, puis je me tourne honteux vers le père :
– Je suis désolé : on va devoir la faire courte.

I’m so so so sorry Sissi, je veux dire : I’m so so so REALLY sorry Sissi !

« Dieu est impitoyable : il vous enlève les poils de la tête pour vous les replanter dans les oreilles. »
Bruce Willis