Petite fatigue.

Coucou,
Pour des raisons personnelles, indépendantes de ma volonté, j’ai dû annuler ma venue à la fête du Livre de Vannes. 

J’en suis le premier désolé. 

Pour ces mêmes raisons, pas de post cette semaine (et peut-être la semaine prochaine). 

Je ne touche plus terre en ce moment (comme le monsieur, là, sur la photo !)

J’espère que vous comprenez,

Je vous hug fort,

Baptiste
PS : une petite pensée pour mon ami, Alain Defossé, ecrivain génial et traducteur de plus de 70 romans. Tu étais un vrai poète, capable de saisir le premier rayon de soleil venu pour sauter à la corde. Tu nous manqueras. Et merci au Monde pour le très bel hommage publié ICI.
PS 2 : j’ai réuni certains de vos commentaires publics rédigés ici dans un article publié dans Le Nouvel Obs, ICI. Si cela pouvait, d’une quelconque manière, faire bouger les lignes…
PS 3 : je ne relaie jamais les articles consacrés à mes romans, mais celui-ci… celui-ci… voilà, quoi. Si vous ne saviez pas quoi offrir à la fête des mères… C’est ICI
Photo : Alain Defossé, en 2015. RICHARD DUMAS/AGENCE VU

Je t’aime.

Photo : Dan Cretu

(ce texte, témoignage de patiente extrait des commentaires du blog, je le mets pour rendre hommage aux personnes brillantes, touchantes, fragiles, rigolotes, tristes, en un mot humaines qui commentent depuis cinq ans sur cette plateforme. Toi, là, oui, toi, merci d’être là ! 😘♥️)

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<< Alors voilà, oui, je suis obèse, oui je ne marche pas assez, oui je mange entre les repas, oui, oui, oui. Mais venez vous occuper de mon mari qui est en train de mourir à la maison ! Restez près de lui pour lui permettre d’aller pisser ou lui tenir la main pendant qu’il souffre ! Ne sortez pas 5 minutes car c’est toujours à ce moment-là qu’il aura besoin de vomir sa chimio ! Remplacez l’infirmière, l’aide-soignante, le médecin, la secrétaire, l’ambulancier, l’auxiliaire de vie, la femme, la maîtresse… Levez-vous à 2 heures du matin avec le sourire pour changer son lit et faire la lessive ! Souriez et ne ne vous éloignez pas de lui car il a besoin de vous bien plus que j’ai besoin qu’on me rappelle que je ne marche pas assez ! Que je mange trop pour compenser, que je n’ai pas de vie pour qu’il puisse finir la sienne dans de bonnes conditions !! >>Oui je suis obèse et je vous EMMERDE messieurs les médecins, ceux qui se débarrassent du problème sur les aidants et qui après les culpabilisent, ceux qui refusent de comprendre que je choisirai toujours d’abord celui qui endure car je m’en fous de moi, si mon mari souffre et part loin de moi vers les poneys arc-enc-ciel. Je m’en fous de moi, car je serais seule loin de lui et ce n’est pas aux médecins que je veux plaire ! >>

Voilà, Baptiste, ce que j’ai répondu à un cardiologue, à un néphrologue et ils n’ont pas compris.

Il y a un an, mon mari est parti et moi, oui moi, je viens de perdre 10 kilos et mon amour. C’est lourd l’amour. 

Oh, Patrice, rappelle-toi, il y a 33 ans demain que je t’ai dit : “je t’aime”. Il y a 32 ans hier que je t’ai dit “je veux bien être ta femme'”. Il y a 30 ans et 6 mois que tu m’as dit “C’est une fille”. Il y a 15 mois après-demain que je t’ai dit “Au revoir et à bientôt”. Patrice je t’aime et je les emmerde ces médecins qui ont essayé de te soigner et de me culpabiliser, sans réussir ni l’un ni l’autre.

Je t’aime. 

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(((( Avant qu’on vienne hurler le sempiternel “oui mais il faut bien dire aux patient.e.s en surpoids qu’elles/ils sont en surpoids” RE-lisons CELA ensemble, main dans la main 😉 ! ))))

Mes erreurs médicales.

Ça faisait un moment que je voulais la voir écrire sur Alors Voilà, parce que c’est une nana géniale, que j’aime et qui me fait rire, j’ai profité de la sortie de son nouveau roman pour lui demander d’écrire sur un sujet qui me tient à cœur. Si vous ne connaissez pas Virginie Grimaldi c’est le moment d’aller la lire ICI. Merci copine !

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Alors voilà, je suis malade. Durant l’année qui vient de s’écouler, j’ai eu trente-six cancers, vingt AVC, une bonne centaine d’infarctus et une poignée de maladies orphelines. La plupart du temps, la guérison est spontanée et rapide, mais, parfois, une visite chez le médecin s’impose. Comme la semaine dernière, où mon rythme cardiaque se croyait sur des montagnes russes.

– Bonjour Docteur, je crois que je suis en train de mourir.

– Encore ?

– Oui, encore. Ça va finir par coûter cher en obsèques, cette histoire…

Il m’a dit de me déshabiller, j’ai enlevé le haut, il m’a dit d’enlever le bas aussi, j’ai demandé pourquoi, pas besoin d’enlever le bas pour écouter le cœur, il a dit si si, enlevez le bas aussi. J’ai obéi en espérant qu’il n’avait rien contre la fourrure.

Il m’a examinée. Quand il a posé le stéthoscope sur ma poitrine, j’ai mentalement prié mon cœur de ne pas faire le fayot. Quand il a froncé les sourcils, j’ai mentalement prié mon cœur de ne pas s’arrêter.

– Vous allez aller voir un cardiologue, il a conclu en retournant vers son bureau.

– Ah ? j’ai croassé.

– Ce n’est sans doute rien de grave, une tachycardie sinusale, mais il faut vérifier.

Je me suis rhabillée sans un mot, j’ai passé mes jambes dans les manches de mon pull et mes bras dans les jambes de mon pantalon et je l’ai rejoint. Il écrivait sur son bloc.

– Vous faites du sport ? il m’a demandé.

– Un peu.

– C’est une bonne chose. Vous devriez maigrir un peu aussi.

– Ah ? Vous pensez que c’est dû à ça ?

– Non, aucun rapport, mais ça ne vous fera pas de mal. Vous êtes en surpoids.

– Ah d’accord. Et vous, vous devriez parler plus doucement.

– Pourquoi, vous ne comprenez pas ?

– Non, aucun rapport, mais vous puez de la gueule.

Je n’ai pas vraiment dit ça (j’aurais dû, il y en a marre des injonctions à perdre du poids quand il n’y a pas de nécessité médicale) (un jour, je vous parlerai de la radiologue qui, pendant une échographie, a soufflé fort et m’a sorti : « pas facile d’y voir quelque chose, chez vous, il y a beaucoup de graisse ! ») (ma langue a fourché, j’ai répondu « désolée » au lieu de « connasse »).

À la place, j’ai hoché la tête et écouté ses recommandations. Légumes, fruits, repas à heures régulières, sport, que des choses que je savais déjà. Moi aussi, je lis Femme Actuelle.

– Carte Vitale, s’il vous plaît.

– Tenez. Vous êtes sûr que c’est une tachycardie sinusale ? Ça ne peut pas être un infarctus imminent ? Ou une malformation cardiaque ?

– Vous, vous êtes encore allée sur Doctissimo.

– Pas du tout. Je ne vois pas pourquoi vous dites ça.

– La seule maladie que vous avez, c’est l’hypocondrie.

Il m’a raccompagnée jusqu’à la porte, m’a souhaité une bonne journée, je me suis installée dans ma voiture et j’ai téléphoné au cardiologue dont il m’avait donné le nom. Puis, j’ai vérifié que personne ne m’observait, ouvert mes favoris Internet, lancé Doctissimo et tapé « Symptômes hypocondrie ». Peut-être que, pour une fois, mon docteur a fait un meilleur diagnostic que moi.  

Dans la forêt. 

Coucou 

(J’aime bien ce mot, “coucou“) 

J’avais prévu un post pour vous rappeler que j’étais demain en dédicace à 17 heures (c’est un bel horaire 17 heures, y a l’Après-midi qui tend la main au Soir…), à la médiathèque Jean Lévy (c’est un joli nom ça, Jean Lévy, impression de légèreté en le disant, Jean Lévy, J’enlève, Je lève, Je m’enlève…) dans la jolie ville de Lille, et j’avais prévu de donner d’autres dates en vue d’autres rencontres, parce que les livres c’est ma vie, que la littérature je ne peux pas vivre sans, que les mots, la poésie, Pessoa, Prevert, “et l’adieu c’est la nuit“, comme disait Emily, bla-bla-bla, “vanitas vanitatum”, mais finalement je préfère utiliser mon Blog, ce soir, cette semaine, pour relayer cette phrase.


Réglez cela vous même ou on s’en occupe




(C’est pas vraiment médical, vous me direz, mais c’est humain. Et ici on cause de ça, l’humain. )

Est-elle jolie, cette phrase ? Non ? Enfin, je ne sais pas…. D’où vient-elle ? C’est celle de la police tchétchène, qui force les parents à tuer leurs enfants gays. 

Je la note ici, parce que je me dégoûte : dans deux heures, j’aurai probablement oublié, comme la plupart des dirigeants sur la scène internationale.

Et puis y a débat ce soir, Macron-Le Pen, je dois mettre mes chaussons et m’installer devant la télé. Ce soir c’est plateau repas. 

De quoi parlait-on, déjà ?

Même pas peur.

Alors voilà…

J’ai peur de vieillir. Je vois des corps vieux, vieux et malades. J’écoute des cœurs malades. J’écoute des poumons malades et vieux. Je palpe des ventres mous, j’examine des seins qui tombent, des poitrails d’hommes changés en mamelles flasques, des peaux trop tannées pour continuer à porter même un dernier poil, même un seul dernier poil blanc… 

J’ai peur de vieillir. 

Je vois des corps seuls. Des corps qui se réjouissent de la visite mensuelle d’un petit-fils, d’une petite-fille. Qui attendent cette audience avec gourmandise, qui font des provisions dignes d’une troisième guerre mondiale pour un simple déjeuner, expédié en vingt minutes, smartphone à la main.

Je ne vois pas assez la seule grand-mère qu’il me reste. J’ai peur qu’elle se sente seule.

Seule.

J’ai peur de vieillir seul. 

Je remue des articulations fatiguées, fatiguées et douloureuses. J’entends des gens qui parlent pour dire qu’ils ne se souviennent pas. J’entends ces gens parler : ils ne se souviennent pas qu’ils ne se souviennent pas. J’entends les dos qui craquent, et les mots absents que la mémoire croque. 

J’ai peur de vieillir seul et malade. J’ai peur d’avoir mal. J’ai peur d’oublier l’enfant en moi, de tuer l’enfant en moi. 

Et, un soir, sans prévenir, alors que je pense à cela et que j’y pense mal, que j’y pense mal PARCE QUE j’ai peur, trois fois peur même, (et que d’être ainsi effrayé engendre toujours de vaines, de cyniques, de moches et de tristes pensées), un soir, donc, je rentre et je le vois. 

Au carrousel des gosses, en bas de chez moi.

Et il a l’air tellement heureux.

Et il rit, et il rit ! Fort, fort, fort ! En frappant encore et encore dans ses mains !

C’est magnifique. La vie est magnifique.

Parfois, j’ai vraiment peur pour rien.

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Pour les dédicaces, on peut se retrouver les :
3 Mai : CAMBRAI, au Furet, à 14h30;

4 Mai : LILLE, 17h, rencontre à la médiathèque;

5 Mai : ROUBAIX, à la librairie du Cep, de 16 à 20 heures;

11 Mai : à Bruz, à la librairie Page5 avec Lorraine Fouchet, Valérie Tong Cuong et Jerome Attal. 

10 et 11 juin : au salon du Livre de VANNES;

Go-go, Powers Rangers, Go !

(Un Bibi est caché dans cette photo, sauras-tu le retrouver ?)

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Vidéo sur les récentes polémiques concernant la présence de personnages gays/lesbiens/transgenres au cinéma (dans Powers Rangers, Harry Potter, ou plus récemment dans le dernier Disney, la Belle & La Bête.)
Précisons pour nos amis complotistes : je n’ai pas été rétribué par le lobby LGBT-reptilo-illuminato-judéo-maçonnique.
J’écris des romans pour vivre et, malheureusement, même si je voudrais que ce ne fût pas le cas, tout ce qui est dit dans cette vidéo est vrai. Enfin… Non. Une seule chose est erronée : on peut avoir vu Lalaland et se réveiller avec une furieuse envie de faire des claquettes.
Pour tout le reste, sources, données, chiffres et statistiques sont disponibles dans le “Rapport Gouvernemental TEYCHENNÉ sur l’homophobie et la transphobie à l’école” que je vous encourage à consulter ICI

En espérant que ça fasse un peu bouger les lignes et que vous ayez des munitions pour répondre aux (toujours) charmants et naïfs internautes qui commentent, un doigt candide dans la bouche, un autre rageux sur le clavier, “naaan mais c koi cette manie de vouloir mettre des pd et des goudous partout dans lé film et lé série !?!?”.

Cette manie, c’est la volonté de sauver des vies.

Baptiste Beaulieu

 

La Plainte.

Alors voilà ma patiente ne pleure pas, mais elle gémit. Et le gémissement sans les larmes je crois que c’est pire. Elle a 39 ans. Cancer ovarien. “Taches hépatiques suspectes”. En cours d’exploration. Elle sait que je sais qu’elle sait. Que ça va pas aller, que ça va pas le faire.Elle a deux enfants 4 et 6 ans.

J’écoute ce truc ignoble coincé dans sa gorge : La Plainte. 

La Plainte… Ce truc a toujours été dans la bouche, dans le ventre, dans les poignets tordus, dans les poings serrés de tous les hommes et de toutes les femmes. Depuis la nuit des temps. Depuis que la première femme a perdu le premier enfant. Que le premier homme a perdu la première femme. Depuis que le premier enfant a perdu les premiers parents. On se la passe de génération en génération. Comme une putain de malédiction. ELLE nous relie. ELLE nous rappelle combien nous sommes tous pareils, combien nous avons tous peur, combien nous voulons tous être aimés, et oh combien nous voudrions extensible le temps passé près de ceux qu’on aime.

Combien nous voudrions savoir où vont ceux qui s’en vont. 

La Plainte vient de là : nous ne savons rien.

Comment font les autres pour supporter le visage de l’autre qui souffre ? Comment font-ils, hein ?

Paraît qu’y en a qui bouffent pour compenser, qui se rongent les ongles, qui tapent dans des sacs. Qui tapent dans des voitures mal garées.

Paraît qu’y en a qui croient. Qu’y en a qui prient. 

C’est facile de croire. C’est facile la foi. Suffit d’ouvrir les yeux. De sonder le ciel étoilé. De frotter contre ses oreilles un épi de blé. De s’émerveiller. Ce qui serait difficile, c’est de ne pas croire !

Oui, le plus dur n’est pas de croire, le plus dur c’est d’espérer. D’espérer malgré La Plainte.


Je crois que c’est pour ça que je vous prends dans les bras lors de mes dédicaces. Parce que je ne peux pas le faire au cabinet médical. Et parce qu’au moment où on se serre, je me dis à chaque fois la même chose :

<<Il y a quelque chose de profondément incroyable dans ce monde mais je ne sais pas quoi. Tout, peut-être. >>

Les couleurs de la vie.

(((Pour Lorraine, que j’aime profondément. Quand je peux, j’aime rappeler que les personnes/trajectoires humaines dont je parle existent vraiment et ont des visages à regarder)))

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Alors voilà, un jour j’ai pris un train avec la pétillante et délicieuse romancière Lorraine Fouchet. La longueur du trajet aidant, Lorraine s’est confiée sur sa vie. Aujourd’hui, elle a 60 ans et a écrit 17 romans !
– Mais j’ai commencé comme toi, tu sais, Baptiste ? Quand j’ai passé mon bac, je voulais devenir romancière. Mais mon père nous a quittés brutalement un mois après mon bac. Un infarctus. La veille de sa mort, au téléphone, il m’avait dit que médecin était le plus beau métier du monde. Alors, même s’il n’était plus là, j’ai respecté son voeu… Une fois mon doctorat en poche, j’ai embauché à SOS Médecins, et j’ai soigné la nuit, le jour, aux quatre coins de Paris. Je n’étais pas malheureuse, mais je n’étais pas heureuse non plus. Simplement, je n’étais pas au bon endroit de ma vie.

Là, elle stoppe, puis sourit avec mélancolie.

– Un dimanche matin, un confrère situé avant moi sur la liste de garde est appelé pour rédiger un certificat de décès. Mon confrère, en lisant le nom de la morte, me fait alors cet incroyable cadeau : il me propose d’y aller à sa place. J’accepte, je roule jusqu’en bas d’un immeuble, je monte…

Silence.

– … j’entre dans la chambre, j’examine la dépouille de la patiente et je suis douce avec elle.

Silence. Lorraine regarde le paysage coloré qui passe à toute vitesse derrière la fenêtre, inspire profondément, murmure son secret :

« J’ai fait le certificat de décès de Marguerite Duras. »

Silence. Je sens bien ce que ce corps a suscité en elle de prise de conscience.

« J’étais dans cette pièce, avec le visage sans vie et sans couleur de cette femme qui, toute son existence, avait écrit et vécu librement, en se moquant du conformisme. J’étais dans cette pièce, seule avec Marguerite Duras, Marguerite Duras morte, et j’ai su, oui c’est un peu bizarre ce que je te confie là, j’ai su que rien ne serait plus jamais comme avant pour moi. Que je voulais être libre de vivre ma vie, que j’y avais droit, que c’était même pour cela que j’étais ici. Pour comprendre cela. Pour entendre cela : le chuchotement de la liberté. »

Silence.

– Un mois après, j’ai posé mon stéthoscope et je suis devenue romancière à plein temps. Avant, je me battais comme une lionne pour sauver tous mes patients. Maintenant je peux tuer mes personnages de papier ou les réanimer à l’envie ! Avant, je soignais les gens. Maintenant, j’espère que mes romans les aident à vivre.
Elle rayonne de joie en disant cela. Son dix-septième roman, est sorti le 30 mars, aux éditions Eloïse d’Ormesson. 

Il s’appelle “Les couleurs de la vie“. 

Ôde au pus.


Alors voilà, ami lecteur, je dois t’avouer un truc : j’adore sortir des trucs du corps humain. Sortir une écharde, vider un furoncle, évacuer un bouchon du conduit auditif constituent même LA RAISON pour laquelle je continue à soigner tous les jours ! Rien que ça !Évacuer.

Déloger.

Nettoyer.

Sortir.

Désobstruer. 

Et pour quoi ?

Pour regarder le corps revenir à la normale.

Pour le sentir sous mes mains retrouver son intégrité initiale.

Pour entendre : “Docteur ! C’est fantastique ! Je réentends !”  

C’est très exactement ce que nous sommes incapables de faire le reste du temps, nous, les soignants. Une dépression, ça ne se videra jamais comme un abcès. J’aimerais prononcer les mots suivants : “je vais appuyer très fort ici, Madame, le pus va sortir, puis il emportera avec lui votre tristesse, votre désespoir, et votre envie d’en finir”. 

Une polyarthrite, une fibromyalgie, un viol, même, ça ne se vidange pas, ça ne se pousse pas hors d’un conduit quelconque du corps, afin de pouvoir le montrer au patient, “Regardez, madame ! On l’a eue, votre boulimie !” Et, sous le regard dégoûté mais soulagé du patient, flanquer tout ça à la poubelle, enfermé dans un mouchoir, enfermé pour toujours. 

Mais on ne peut pas mettre la schizophrènie à la poubelle. On ne peut pas rabattre le couvercle sur les troubles du comportement alimentaire. 

Non, on ne peut pas.

Oh, comme j’aime les furoncles ! Et comme j’aime le bouchon de cérumen ! Et les échardes ! Et la constipation ! Et tous les corps étrangers ! Oh, comme je les aime ! Je les aime parce qu’ils procurent chez le patient une satisfaction immédiate, visible, palpable. Matérielle.

Je me sens soignant (et non plus un vil imposteur) quand je vide du pus, et quand j’évacue un bouchon de selles, ou vide un globe vésical. Ce dont je vous parle, c’est de cet instant précis, là, oui, quand la personne soupire de soulagement.
Alors, à cet instant précis, il m’est enfin permis d’espérer. 

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Dates de signatures (MISES À JOUR !) + une bonne nouvelle !

Vendredi 17 : 

Le 24 mars à Elancourt, à 17h Co-dédicace avec la génialissime Valérie Tuong Cong à la Librairie Le Pavé dans la mare.

Dimanche 26 : Salon du Livre de Paris à 11 heures 30 jusqu’à 13 heures. 

Lundi 27 : je serai ravi, dans le cadre de la super association « Lire pour en sortir », de rencontrer des détenu.e.s au centre pénitentiaire de Châlons. J’écris donc ça là, mais je ne suis pas sûr de vous y voir, sauf si vous êtes incarcéré.e.s d’ici là (François Fillon si tu me lis !).

ÉDIT : signature à la librairie du Mau, à Châlons, à 17h !!!!

Avril.

Samedi 8 et dimanche 9 : Printemps du livre de Montaigu.

D’autres dates arrivent, je vous tiendrai au courant !

PS : c’est une blague pour Fillon, hein. Parce que tout le monde sait qu’il n’ira jamais en prison (ne venez pas m’insulter en commentaires, messages privés ou par mails, s’il-vous-plaît…) Mais je serai vraiment au centre pénitenciaire de Chalons pour soutenir le projet de cette super association.

Enfin, je suis très honoré d’être président du Jury du concours littéraire organisé par le prestigieux mensuel “Psychologies”. Voilà. Je voulais vous le dire parce que tout ce qui arrive d’un peu fou dans ma vie depuis quatre ans c’est un peu grâce à vous, et que c’est parfois difficile d’expliquer (même après trois romans, et trois prix littéraires) qu’on peut être blogueur ET romancier, et qu’on a quelque chose à dire de different dans le costume de l’un COMME dans le costume de l’autre.

(((( je vous aime )))). 

Étretat, un 28 septembre.

Quand je ne suis pas au cabinet médical, je vais écrire mes romans dans une grande bibliothèque parisienne. Avec le temps, j’ai beaucoup sympathisé avec les employées. Aline, Véro, Marie-Pierre, Marie-Jo’ et Martine. Elles travaillent dans cette immense usine depuis vingt ans, déambulent le long d’immenses couloirs et d’interminables sous-sols couverts de livres, où elles ne voient jamais la lumière du jour.
Heureusement, y a les pauses cigarettes, à 10 heures et 16 heures. Elles ont pris l’habitude de m’emmener avec elles et on y rit très fort, ça gêne même parfois leurs collègues. Je les écoute parler de la vie, du temps, de sexe, de l’amour, des petits. Elles disent des bêtises, font des prouts avec la bouche, se fichent de ce que les autres entendent. Le rire de ces quatre femmes, ça rebondit sur les parois que la suie a recouvertes. Ça détache le gris des murs, ça lotionne les âmes.
Elles sont dans la vie, ces femmes ! Elles sont dans la vie !
Il y a Martine : la joie de vivre envers et contre tout. Pétulante, toujours joyeuse, et positive. Une sensibilité à fleur de peau et une bienveillance infinie même envers des gens qui ne le méritent pas. Le secret de Martine est le plus douloureux secret du monde : son fils a 17 ans pour toujours, mais elle n’en parle jamais. Alors je n’en dirai pas plus.


Il y a Véro : la cow-boy du groupe, un peu boxeuse, beaucoup rieuse, toujours un peu amusée par la situation. Une énergie folle. Je l’aime d’amour, cette femme. 

Sa blessure à elle, c’est son père. Elle n’arrive pas à oublier son père. Personne, dans la famille, d’ailleurs. Suffit qu’on évoque le patriarche et les larmes coulent. 

Un jour, pendant une pause clope, je l’ai entendue murmurer : “Pourquoi faut-il qu’on aime tant certaines personnes ? “. Elle a dit ça, puis a sorti une nouvelle cigarette et mi-riant, mi pleurant, elle a raconté une blague sur les pénis, ceux qui sont petits et ceux qui sont trop gros.


Il y a Aline. Elle, c’est son poids. Elle en rit tout le temps, et si vous n’en riez pas avec elle, la voilà qui vous attrape et vous serre contre son énorme poitrine. Elle est généreuse de partout, Aline. Peur de rien. Ni des remarques maladroites, ni des médisances. Enfin, c’est ce qu’elle prétend. Personne ne sait. Elle est belle, Aline. Elle babille, Aline. Elle bouscule les gens et les idées reçues. Elle emmerde les regards des gens et de la société sur son corps. Elle est libre. 

<< Tu sais ce que c’est “quelque chose” ? Non ? Tu empoignes un pénis dans une main, tu empoignes avec ton autre main ce qui dépasse. Eh bien tout ce qui dépasse ENCORE, crois-moi, ça, C’EST QUELQUE CHOSE !!!!!>>.


Il y a Marie-Pierre, le petit oiseau. Toujours un peu en retrait, le corps noyé dans ses tuniques informes. Si frêle, si mince… quand elle marche, on croirait voir un cintre. Elle parle pas trop, Marie-Pierre. Elle écoute. Mais du coup, on ne sait pas trop où elle a mal. Les autres du groupe, ça oui, on le sait. Mais pas Marie-Pierre. Il n’empêche, elle est là, à chaque pause clope. Muette. Taiseuse. Elle hoche la tête, fume, et c’est tout. On a l’impression qu’elle se cache de tout, qu’elle a peur de tout sauf quand elle est avec ses copines. Elle n’a plus parlé à sa famille depuis des années et personne ne sait pourquoi.

Enfin, il y a Marie-Jo’. Brune, la bonté faite femme. Incapable de voir le côté négatif des gens. Incapable d’a priori. Et solide avec ça. Un roc avec un coeur immense. Elle rit aux blagues, mais elle en fait peu. Elle n’a pas de secret. Elle est en vie et heureuse de l’être. Elle est aussi un peu cassée, mais on ne saura pas. Elle rit, c’est tout.


Voilà bien un truc que je retiens de ces femmes : à leurs côtés, en cinq ans, il ne me semble pas – jamais même – avoir effleuré de près ou de loin les côtés sombres de l’être humain. Pas de calcul. Pas de tricherie. Pas de jugement.
[…]
Un jour, Marie-Pierre ouvre la bouche et laisse échapper un murmure : elle a un cancer. Un cancer de la mâchoire. Trop de cigarettes. Trop de silences, peut-être. 

“Je vais être un peu absente, les filles” dit-elle, et c’est peut-être la première vraie phrase qu’on lui entend en vingt ans. 

[…]

Martine, Marie-Jo’, Aline et Véro sont parties en voiture. Véro tenait un pot à café, qu’elle serrait fort sur les genoux.

C’était en septembre, le 28. Un grand week-end à Étretat. Elles ont ri comme des bossues, dans la caisse. Elles ont mis la musique, et ont roulé jusqu’à la mer en racontant des bêtises sur les hommes. Les gros, les grands, les fainéants, les taiseux, les dociles, les connards tatoués, les connards pas tatoués, les rugbymen et les pas-rugbymen. 

[…]

Véro m’écrit :

<< Marie-Pierre est morte chez elle toute seule. On l’a emmenée parce que nous lui avions promis. Elle n’avait pas de famille Marie-Pierre. Enfin, si, c’était nous, sa famille… On a mis ses cendres dans un pot à café. Elle adorait le café. C’est moi qui ai jeté les cendres sur les falaises. Martine ne pouvait pas le faire, Marie-Jo a peur du vide et Aline, pour certaines choses, n’est pas très courageuse. Seulement comme je ne suis pas très douée, je n’ai pas pensé au vent et les cendres me sont toutes revenues sur le pantalon. Nous nous sommes plu à penser qu’elle voulait rester un peu avec nous. Et puis, Marie-Pierre ne savait pas nager, alors la jeter dans la mer… Ensuite on a mangé des moules-frites au resto parce que ça aussi on lui avait promis. On a pleuré, mais on a aussi beaucoup ri. Elle aurait aimé cela. Il faisait beau, y avait du soleil et Marie-Pierre aurait aussi adoré cela. >>


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Un texte à partager, écrit pour Marie-Pierre, à la demande de ses/mes copines,

Baptiste.