Alors voila, nous étions à cette table de restaurant. On plaisantait. Un groupe d’internes, c’est forcément un peu graveleux ( mais drôle, hein ! ). Comme je dis souvent, j’aime la vulgarité, elle me donne l’impression de ne jamais mentir.
Cette famille est venue s’installer à côté de nous. Le père, la mère, quatre adolescents. L’un d’eux, 12 ou 13 ans, cachait son visage au fond d’une capuche noire. Il portait des lunettes teintées. J’ai trouvé cela étrange : même dans le sud-ouest de la France, il n’y a plus de soleil à 23 heures (je sais, je viens de balancer un gros coup de pied dans la fourmilière !).
Le premier mot a fusé dans l’air comme Ariane dans un coin de Kourou :
– Sale con.
Puis deux autres, juste après, en saccade :
– Jacques est un connard.
Ça a été craché -ou glapi- plus que ça n’a été dit.
J’ignore ce qu’il y avait au menu ce soir-là, mais le gosse, lui, on lui avait servi un très mauvais syndrome de Gilles de la Tourette en entrée.
Saleté de Tourette. Ou de Gilles, je ne sais pas.
Imaginez-vous : premier rendez-vous avec une fille. Vous vous faites beau et là, entre deux œillades gênées, paf !, vous traitez Jacques de sale connard. Qui est Jacques ? Vous n’en savez rien. Mais vous l’avez traité haut et fort de “connard”, et tout le monde a entendu.
Difficile d’arriver jusqu’au dessert avec la demoiselle…
J’ai réfléchi à cette phrase “J’aime la vulgarité, elle me donne l’impression de ne pas mentir.”
J’ai eu envie d’aller voir le gosse d’à côté, de lui retirer ses lunettes noires, de découvrir son visage. Lui dire de plus se cacher.
Souvenons-nous de toutes les fois où les parents rabâchent à leurs enfants “ne dis pas ça, c’est un gros mot”.
Et si les gens atteints par cet affreux syndrome n’étaient pas malades ? Et si, par une étrange bizarrerie de la nature, ils n’étaient que les porte-paroles de tous ces “gros-mots” que les enfants ravalent ? Comme une soupape verbale refroidissant la “marmite mondiale des gros mots” quand celle-ci menace de déborder ?
Voilà, voilà : chaque fois qu’un gamin ravale sa grossièreté, elle rejaillit ailleurs, dans la bouche d’un autre, portée par le vent messager et d’invisibles rails.
Oui, je crois que c’est ce qu’il faudrait leur dire, aux gosses avec leurs lunettes noires : ” N’ayez pas honte, gamins : par vous chantent tous les enfants du monde. N’ayez pas honte. Vraiment”.
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Illustration : Marie-Lys